mercredi 4 juillet 2012

Désaffection...


Nous allons embaucher des enseignants, nous dit le nouveau gouvernement, un certain nombre dans l'urgence dès la rentrée 2012, et soixante-mille à terme d'ici cinq ans.

Belle affaire. Surtout quand on sait que s'il veut rester à effectifs constants de fonctionnaires d'état, voire même continuer à en diminuer le nombre -ce qui personnellement me satisfait pleinement-, le gouvernement devra en transférer depuis les autres ministères, et donc profiter des départs en retraite et autres départs volontaires. Très bien, partons donc sur cette base hypothétique.

Le souci, c'est que des enseignants... eh bien il sera difficile d'en trouver. On le constate chaque année, le nombre de candidats diminue dramatiquement, au point que dans certaines matières dans le secondaire il est proposé plus de postes qu'il n'y a de candidatures. Disons-le, ça coince.

Pourquoi une telle désaffection? Oh, les causes sont faciles à trouver:

1) le métier a mauvaise réputation, et effectivement c'est une mission souvent difficile, dans le primaire comme dans le secondaire; au fait, quel est le taux de suicide dans l’Éducation Nationale? Si vous trouvez un chiffre, faites-moi signe, c'est le genre de statistique que l’État aime garder sous le coude...

2) le métier en France est mal rémunéré, toutes les études publiées depuis des années, qu'elles soient nationales ou internationales, le soulignent; et à force d'en raboter les derniers avantages (les vacances, par exemple), il devient presque un apostolat;

3) il faut désormais Bac+5 pour devenir enseignant, ce qui est une imbécillité: qui voudrait se tuer à enseigner et gagner des clopinettes avec un tel niveau d'études?

4) le métier a mauvaise réputation: les médias français n'ont que le mot "école" à la bouche, pour nous dénigrer à longueur de temps; il suffit de lire ce que la population pense de son école dans les courriers des magazines, journaux, sur internet ou ailleurs pour se voir traité de feignant, d'incompétent, de nanti, de profiteur, de... j'en passe et des plus sinistres. Tout le malheur de notre pays vient de l'école, semble-t-il. Puisqu'il plait aux français de le croire...

Depuis des décennies il y avait un signe qui ne trompait pas, c'était la féminisation galopante du métier d'enseignant. On sait depuis longtemps ce que la raréfaction du sexe masculin signifie dans une branche professionnelle. D'ailleurs, moi qui suis un homme, j'appelle à la parité! Parce que 80% de femmes, c'est quand même trop.

Tout ça pour dire qu'il va être difficile de trouver des enseignants à embaucher. A moins... d'augmenter notre traitement, de nous considérer mieux que nous ne le sommes, de dire la vérité quant à la qualité de notre travail -et de ce point de vue la désinformation et la haine déversées sur nous les cinq dernières années vont être dures à contrer-.

Dois-je évoquer les directeurs d'école? Cela me semble nécessaire. Tous ceux qui travaillent et ont travaillé sérieusement sur le fonctionnement de l'école en France, et particulièrement de l'école primaire -soit maternelle et élémentaire- soulignent l'importance du directeur d'école dans le fonctionnement de celle-ci.Le rôle du directeur est fondamental pour la réussite des élèves, le constat en est unanime. Ou presque unanime, puisqu'il reste encore un ou deux syndicats d'enseignants arc-boutés sur la conception rigolote, illusoire et clairement ridicule d'une école dont l'équipe d'enseignants à la science infuse lui permettrait de fonctionner de façon autogérée. Ah ah ah. Je ris jaune quand je constate que des gens qui se proclament représentants des personnels persistent à ne représenter qu'eux-mêmes -les dernières élections professionnelles ont été frappantes, avec une abstention massive-. Bref, ces gens-là nient l'existence du directeur d'école. Ils sont les seuls. Le souci, c'est que si la mission d'enseignement connait aujourd'hui une certaine désaffection, celle de la direction d'école est devenue une telle horreur que les professeurs des écoles s'en éloignent à grands pas. Combien de directions d'école ne sont pas pourvues dans le pays? Encore un chiffre quasiment impossible à obtenir. Cette mission de direction qui devrait être un choix raisonné et un engagement puissant au service de la Nation et des élèves est devenue un pis-aller qui échoit aujourd'hui à des enseignants débutants qui essayent ainsi de se rapprocher de leur domicile, ou nommés à leur corps défendant par une administration aveugle. Pourquoi un tel état de fait? La mission d'un directeur d'école est difficile: il est seul et sans aide pour gérer, sans en avoir ni le temps ni les moyens -et pour une indemnité humiliante-, des élèves à profusion et leurs parents pas toujours complices, des professeurs des écoles méprisants et égoïstes, des situations compliquées avec une administration courtelinesque ou une municipalité parfois ennemie... Il gère. L'inspecteur de sa circonscription, son supérieur hiérarchique, en général ne lui apporte aucune aide, l'enfonce même souvent pour ne pas faire de vagues et se protéger lâchement. Bref, le directeur d'école est seul. La mission, elle, s'est infiniment compliquée. Demandez à la "maîtresse" de votre enfant si elle serait intéressée de devenir directrice: soit elle vous éclatera de rire au nez, soit elle s'effondrera en larmes car elle l'était et fut obligée de quitter cette fonction qu'elle aimait parce qu'un enseignant de son école l'avait dans le nez...

Il est donc difficile, et il le sera de plus en plus, de trouver des enseignants. Alors que la mission d’enseignement, si elle est difficile, peut procurer de rares satisfactions. Il est également difficile de trouver des directeurs d'école. Alors que la mission de direction, si elle est bien exercée, peut procurer d'ineffables bonheurs.

Tirez de tout cela les conclusions que vous voulez.

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