samedi 4 août 2012

Repenser l’encadrement des établissements scolaires...


Joël Rich, maître de conférences à l'Université Bordeaux 2, a fait paraître en 2010 à Bruxelles, chez De Boeck, un excellent ouvrage intitulé "Les nouveaux directeurs d’école. Repenser l’encadrement des établissements scolaires".

Comparant les systèmes belge, canadien -en particulier québecois-, et français, Joël Rich aboutit bien entendu à un constat terrible pour le système hexagonal. En voici un extrait:

 "On mesure combien le directeur decole primaire reste en marge de ce qu’il est convenu d’appeler en France les personnels de direction. Ainsi, le site du ministère formalise-t-il, à l’occasion de cette rubrique, une nouvelle césure entre les anciens « ordres » : l’ordre primaire et secondaire. En fait, les directeurs d’école ne sont pas considérés comme des personnels de direction à part entière. Il est seulement mentionné que : « Les personnels de direction ont vocation à occuper un emploi de chef d’établissement ou d’adjoint, principalement en collège, lycée ou lycée professionnel. »
 
A la mesure des influences internationales comme celle amenée par le Canada, et selon la modélisation anglo-saxonne, mais aussi le fonctionnement de certains pays européens les plus proches, comme la Belgique francophone, la France apparaît de ce point de vue bien isolée et surtout sans vraies justifications opposables. On mesure, dans ces conditions, l’importance des transformations que devront accomplir les écoles française et surtout, leur direction. On perçoit à quel point s’engagent pour l’avenir des directeurs, des processus d’acculturation complexes. Le directeur d'école français que nous avons quitté à la fin des années 1980, risque à court terme d’être en demeure d'opérer une transformation complète de ses repères professionnels et de son identité professionnelle toute entière, malgré des oppositions passées, formulées un peu rapidement, pour un « maître-directeur ».
 
La comparaison avec un directeur québécois révèle la mesure de différences qui devront tôt ou tard être abordées. Ainsi, en France, un maître peut devenir directeur avec une formation qui n’est pas de très longue durée. Celle-ci se borne à quelques journées de stage consacrées au versant administratif de la fonction. Un niveau universitaire n’est pas exigé, comme cela est le cas au Canada. Mais la comparaison avec le Québec montre aussi un décalage important du point de vue de la centration sur l’activité de direction. Bien sûr, certains directeurs français d écoles importantes par le nombre de classes sont dispensés de faire la classe. Les « décharges complètes de classe » pour les directeurs interviennent à partir de quatorze classes dans l’école. Mais la taille moyenne des écoles françaises reste inférieure à ce nombre et, le plus souvent, le directeur assure le cumul de la profession d’enseignant avec celle de dirigeant responsable de l’école toute entière.

Au Québec, pour espérer obtenir un poste de directeur d’école primaire, il est préférable d’avoir fait des études de gestion et d’administration. Dans les petites écoles où il y a peu d’enfants, il n'y a qu’un directeur. Par contre, si le nombre d'élèves est important, il est même possible d’avoir un directeur adjoint. De plus, dans toutes les écoles, il y a des secrétaires qui travaillent en étroite collaboration avec les directeurs et qui s'occupent de gérer les dossiers administratifs. Un peu à la façon d'un établissement secondaire français, toute absence d'élève sera, par exemple, traitée par le secrétariat. lequel entrera en relation directe avec la famille. L'importance et l’intérêt d'un secrétariat permettent de régler tout un ensemble de tâches dont on comprend bien l’apport (répondre au téléphone, accueillir les services locaux, les visiteurs, en général, préparer les photocopies pour les classes, les réunions, les factures, etc.). En comparaison, le dénuement du directeur français semble frôler l'indécence. Celui-ci semble en effet devoir cumuler trois métiers. S'il semble en effet promis à une charge voisine de celle de son collègue canadien, il doit aussi assurer la charge d’instituteur/professeur des écoles, pour être secrétaire à part entière de son école. Si l’on considère que le directeur canadien est accompagné d'un personnel d’entretien, on perçoit à quel point le directeur français maintenu dans son statu quo fait figure de parent pauvre."

Le lien donné en tête de billet vous donnera une meilleure idée de l'ouvrage, que nous ne pourrez néanmoins lire in extenso qu'en en faisant l'acquisition, ce que je vous recommande chaudement. Mais au-delà de ce constat supplémentaire que nous devons ajouter à la longue liste de ceux qui déjà dénoncent la présente situation des directeurs d'école en France, comme son absurdité quant à une gouvernance efficace des écoles, combien faudra-t-il accumuler de dénonciations de ce type pour que notre système d'enseignement soit réformé et retrouve une efficacité pleine et entière? Combien faudra-t-il accumuler de faits et de chiffres pour que les directeurs d'école de notre pays obtiennent enfin un statut qui leur permette d'exercer sereinement leur mission?

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