mercredi 17 octobre 2012

Fin de non-recevoir...


« On va devoir en reparler... ce sujet est devant nous. Mais ce dossier n’est pas ouvert dans le cadre de la refondation. »

Ces derniers propos de M. Peillon, ci-devant ministre de l’Éducation nationale, au sujet des directeurs d'école, ont été accordés récemment au SE-Unsa et rapportés par ce syndicat.

Cela s'appelle une fin de non-recevoir. Comme je le pensais, le GDID qui sera reçu le 30 octobre prochain au ministère s'y entendra susurrer des paroles lénifiantes -"nous ne vous oublions pas"- mais se fera aussi proprement rembarrer. J'ai vu suffisamment de ministres depuis plus de trente ans que j'exerce ce métier pour ne pas avoir rapidement cerné la personnalité du dernier en date. Au passage, comme ses récents prédécesseurs, M. Peillon n'a pas appris à se taire quand il le devrait...

Le GDID est en quête d'une action  signifiante pour établir un meilleur rapport de force d'ici son rendez-vous dans quinze jours. Si vous avez une idée...

Comment le ministre peut-il imaginer que sa "refondation", qui remplace de plus en plus à un simple replâtrage, voire à une vague couche de peinture, pourra être mise en place sans les directeurs d'école de France? Qui imaginera et organisera le nouveau fonctionnement des écoles dans le cadre des étranges nouveaux "rythmes" qui semblent nous être concoctés? Vers qui se tourneront les parents d'élèves et les municipalités? Ces dernières d'ailleurs sont déjà inquiètes, comme les collectivités locales en général, car personne n'y comprend rien tellement les informations qui nous parviennent sont parcellaires. Mais elles ont bien compris qu'elles devront mettre la main au portefeuille, et l'addition risque d'être salée. C'est maintenant que sont élaborés les budgets 2013 des communes, il y a urgence!

Le plus curieux dans cette fin de non-recevoir de M. Peillon n'est pas tellement ce qu'il dit, qu'il avait déjà avancé en juillet dernier ("pas de sous dans la caisse!") et qui peut éventuellement être entendu, mais sa prétendue surdité au sujet de la direction d'école, et son choix de ne pas vouloir conforter la clef de voûte du fonctionnement de l'école primaire que sont les directeurs. Alors que le Président de la République et M. Peillon lui-même clament depuis des mois que l'école primaire est pour eux la priorité du quinquennat. Les enseignants qui ont voté en mai dernier ont-ils été roulés dans la farine? On peut légitimement se poser la question.

Depuis des années les rapports divers s'accumulent pour expliquer que le problème premier de l'école primaire est sa "gouvernance" ou son "pilotage". Il ne passe pas une semaine sans que tombe un nouveau dossier qui dénonce la position insupportable de la direction d'école primaire en France. Sans arrêt on nous propose les exemples réussis de nations qui ont fait de leurs écoles des organes autonomes parfaitement capables de s'autogérer sous une direction reconnue et estimée. Les médias s'y mettent, les spécialistes aussi, les syndicats l'ont compris, la société civile également. J'ai lu avec plaisir hier un entretien avec Cédric Villani, célèbre mathématicien, directeur de l'Institut Henri-Poincaré, médaille Fields -ce n'est pas n'importe qui. Il dit:

« L'autre grand problème tient à l'organisation même de l'école, en ce qui concerne tant les questions de management que d'évaluation. (...) Le système ne fonctionne pas bien : il est lent à la réaction, trop pointilleux dans son contrôle, ne fait pas assez de place aux initiatives personnelles et ne laisse pas les bonnes idées se répandre librement. C'est un problème de gouvernance. »

Alors pourquoi refuser de l'admettre? Qu'est-ce qui peut légitimement justifier qu'on repousse aux calendes grecques cette question cruciale, centrale, primordiale, de la direction d'école? Rien. C'est tout bonnement injustifiable. Et il est clair que les décisions prises dans la prochaine loi d'orientation ne pourront que rester lettres mortes, comme celles prises par ses prédécesseurs depuis vingt ans, si le gouvernement ne se donne pas les moyens de les faire appliquer par une direction d'école revigorée, autonome, clairement identifiée et reconnue pour sa compétence.

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