jeudi 27 décembre 2012

Soeur Anne, ne vois-tu rien venir?


Le directeur a passé un Noël un peu particulier. Arrivé sur les rotules aux vacances, il lui a fallu affronter aussi sec diverses réunions familiales peu reposantes et succomber à quelques agapes, affriolantes certes, mais dont la digestion après coup s'avère compliquée, les escargots ayant décidé sans prévenir de mener dans son estomac une bataille maritime contre les huîtres sur un océan de Montrachet et de Pouilly-Fuissé.

Heureusement, les vacances ne sont pas terminées, même si la perspective d'un réveillon proche me laisse dubitatif...

Ceci dit, sur le plan professionnel, l'année 2012 s'est mieux terminée qu'elle avait commencé. Alors que les directeurs d'école allaient rester sur le carreau d'une refondation dont le moins qu'on puisse dire est qu'elle est peu convaincante -pour ne pas dire repoussante-, l'action conjointe de certains syndicats et du GDiD a amené M. Peillon, ministre de l’Éducation nationale, à finalement considérer que ne pas traiter la question de la direction d'école serait peut-être une erreur. Pourtant les discussions au sein de la "graaaande concertation" montraient clairement un consensus quant à l'importance des directeurs d'école dans le fonctionnement du primaire. Il aura quand même fallu beaucoup d'investissement pour que le ministre reconsidère sa position de juillet 2012 -"la question n'est pas à l'ordre du jour"-, et des discussions auront donc lieu au premier trimestre civil de l'année qui approche.

Que faut-il en attendre? C'est bien le problème. La "refondation" prenant benoîtement l'allure d'un simple ripolinage, il ne faut pas se faire d'illusion quant à ce qui sera proposé au GDID. On peut craindre ne recevoir dans un joli papier cadeau qu'un simple hochet et deux clopinettes. Néanmoins, le dernier succès du GDiD en 2012 ayant été de finalement amener le SNUipp, après de longues années de conflit, à accepter de considérer l'association des directeurs d'école comme un interlocuteur valide, on peut espérer dans les négociations qui arrivent sinon un front commun du moins un élan fédérateur sur l'importance de notre rôle au sein de l'école française. Le mot "statut" leur fait encore peur. Mais le statu-quo, lui, est désormais clairement impossible pour tous.

M. Peillon n'a donc plus vraiment le choix. Un calendrier sera-t-il proposé? Sur des bases de discussion solides? On peut faire confiance au GDiD pour ne rien abandonner de ce qui a fait le combat de l'association depuis plus de dix ans. Et je pense que le statut nécessaire des directeurs d'école est désormais en vue.


Pour autant, 2013 sera une année difficile. Au-delà des difficultés inhérentes au métier d'enseignant, au-delà des difficultés financières ressenties par une profession paupérisée -je le sens passer aussi-, au-delà des perspectives peu réjouissantes d'une "refondation" qui loin de faciliter notre tâche risque au contraire d'en aggraver la difficulté, les discussions quant à l'avenir du métier particulier de directeur d'école seront ardues. Ce sera certainement une lutte pied à pied. Mais 2013 sera peut-être aussi l'année au cours de laquelle notre problème sera sinon réglé du moins en voie de règlement. Il nous faut donc conserver espoir et fermeté, et montrer que nous autres directeurs d'école de France, quelle que soit la taille de notre école, quelle que soit notre région d'exercice, nous sommes solidaires et déterminés.

mercredi 19 décembre 2012

GDiD toujours présent...


Le 10 décembre 2012, Jean-Jacques Bourdin reçoit sur RMC Vincent Peillon, ministre de l’Éducation nationale. Pierre Lombard, secrétaire du GDiD, intervient au téléphone...


dimanche 16 décembre 2012

Bienvenue au zoo !


Je suis avec attention depuis quelques jours une discussion animée mais intéressante sur les forums publics du GDID, discussion qui montre en particulier l'expérience diverse des directeurs d'école, entre (très) grosses structures et toutes petites écoles.

J'ai déjà évoqué ici à plusieurs reprises la nécessité de procéder à terme à des regroupements d'écoles. Je rappelle que les écoles de cinq classes ou moins représentent plus de 64% de la totalité des 48139 écoles publiques françaises! Nous ne pourrons, c'est vrai, faire l'économie de sérieusement diminuer ce nombre. Mais nous ne devons pas oublier que les 36000 communes réparties inégalement sur le territoire sont une force de notre Nation, dont la diversité fait la richesse. Les écoles qui en dépendent pour leur fonctionnement y sont dans beaucoup d'entre elles la dernière preuve tangible de la présence de l’État -une commune sans école est une commune morte-. Ces regroupements devront donc découler d'une logique géographique et territoriale qui ne devra léser personne et, mûrement réfléchis, conserveront à l'école de France la force et richesse incontestables que constitue sa proximité avec les élus locaux et la population.

Combien de temps faudra-t-il pour procéder à ces regroupements? Quinze ans? Vingt? Trente? "Rome ne s'est pas faite en un jour", écrivait Manzolli. Cette reconstruction géographique de l'école française ne se fera pas en un quinquennat. Ce qui n'interdit pas de commencer rapidement. Sauf qu'il est une condition indispensable pour procéder à ces concentrations: pour qu'elles soient efficaces, il est nécessaire que les directeurs des écoles publiques françaises aient préalablement un statut clair qui leur donne les moyens juridiques et financiers de leur mission, mission elle-même proprement définie, exempte d'ambiguïtés, et libérée des pressions administratives ou autres, car l'école doit être autonome pour être efficace. Ce dernier point implique d'ailleurs un abandon du jacobinisme centralisateur de l’Éducation nationale -voilà un dernier aggiornamento que je pressens mal-.

Disons-le, le statut pour les directeurs d'école est une nécessité première. La direction d'école en France est au bout du rouleau, elle n'a pas les moyens de son action, elle ne peut pas être efficace, alors que les directeurs d'école ruent souvent dans les brancards tant ils savent ce qu'il faudrait faire et tant ils n'y peuvent rien. Rien ne pourra désormais être accompli dans le domaine de l'éducation sans ce statut qui de nécessaire est devenu indispensable.

Dans cette discussion sur les forums publics du GDID que j'évoquais en tête de ce billet, un des interlocuteurs évoque l'idée, au nom du pragmatisme, qu'il faudrait procéder à des regroupements avant de donner un statut aux directeurs d'école. Ce à quoi un autre a fort justement répondu qu'on ne met pas la charrue avant les bœufs. Et d'abord évidemment en terme de temps: si les directeurs d'école doivent attendre trente ans, le Titanic aura coulé bien avant. Quant à ne donner un statut qu'aux directeurs de grosses structures, c'est une absurdité à plus d'un titre: 1) il y aurait deux corps distincts pour le même métier (vous me direz, la gauche nous a déjà fait le coup en 1989 avec les professeurs des écoles), et l'inéquité d'un tel système ne peut sortir que d'un cerveau fatigué; 2) cela ne résoudrait rien des problèmes de l'école française puisque 95% des directeurs d'école resteraient sur le carreau...

La seule mesure juste, la seule mesure efficace, la seule mesure qui maintenant peut être prise par un gouvernement responsable, c'est de donner à tous les directeurs d'école de France un statut fonctionnel. Aujourd'hui. Et d'en définir les modalités avec les seuls vrais représentants de ce qui au cours des dernières décennies est devenu une profession particulière, c'est à dire les membres du GDID, qui sont quotidiennement sur le terrain et ont abondamment réfléchi à la question.

Le pragmatisme a donc bon dos. En fait, le pragmatisme veut qu'on aille à l'urgence, pas qu'on traînaille en tergiversant. D'autant qu'en ce qui me concerne je ne veux plus faire de cadeau à personne. Depuis trente et quelques années que je fais ce métier, personne ne m'en a jamais fait. Depuis douze ans que je suis directeur d'école non plus. Et pourtant pour ma part j'ai sacrément donné à ce métier, et je ne suis pas le seul, y sacrifiant parfois vie de famille comme beaucoup de temps et d'énergie. Si dans ce pays chacun s'investissait dans sa mission comme s'y investissent les directeurs d'école, je peux vous assurer que tout irait bien mieux. Alors je veux un statut pour les directeurs d'école, je ne veux pas que nos successeurs se retrouvent dans la même merde que nous, je ne veux pas partir en retraite avec dans la bouche ce goût amer qui s'y est installé depuis quelques années. Je ne veux plus tendre la joue gauche. Je ne veux plus être "raisonnable". Et surtout pas alors que je vais devoir donner encore plus les années qui viennent, avec ma classe à plein temps dont le mercredi matin, avec tous les PPMS, DUER, Aides personnalisées diverses et autres conneries que j'espérais voir disparaître mais qui semblent installées pour longtemps, puisqu'autant dans ce ministère on sait empiler mais jamais soustraire, qu'il s'agisse de mesures idiotes, de programmes absurdes, d'injonctions ridicules, ou de fonctionnaires inutiles. Mouton allègrement tondu depuis des années, ou vache pourvoyeuse de lait, ou dindon, ou bœuf attelé, ou je ne sais quel autre animal, je ne veux plus être un exemplaire zoologique exposé à toutes les faillites étatiques, sociétales ou familiales, quelle que soit la couleur politique de la cage. Et s'il faut bouffer le dompteur, je n'hésiterai pas.

mercredi 12 décembre 2012

Cher Père Noël...


Pour le Père Noël, au pôle Nord.

Bonjour cher Père Noël.

Je sais qu'en ce moment tu travailles beaucoup: j'espère que tu n'es pas trop fatigué, et que tu n'es pas enrhumé. Mon papy dit que pour éviter d'être malade tu peux boire du vin chaud sucré, avec de la cannelle. Mon papy il est fatigué, lui, et il est enrhumé aussi, malgré le vin chaud. Je t'ai déjà écrit une lettre pour moi, tu te rappelles j'ai demandé des jeux vidéos pour ma console. Aujourd'hui je t'écris cette lettre pour mon papy, pour que lui fasses un cadeau aussi. Parce que je l'aime bien mon papy, il est gentil et il rigole souvent. Pas beaucoup en ce moment, il dit qu'il est trop fatigué et qu'il n'y a pas de quoi rire.

Mon papy il est maître d'école. Il est vieux aussi, c'est le papa de mon papa. Et puis il est directeur d'école. Mes copains sont impressionnés quand je leur dis ça, ils me demandent toujours s'il est sévère. Moi je leur réponds que non, il est doux mon papy, et il s'endort dans le canapé. Il habite pas loin de chez moi, et le mercredi je vais chez lui parce que papa et maman travaillent tous les deux. Il m'emmène dans son école maternelle parce qu'il dit qu'il a du travail, et il va dans son bureau avec une drôle de tête qu'est pas sa tête gentille, et il grommelle. Moi j'aime bien, je vais jouer dans sa classe, il a plein de jouets pour les petits, ou alors dans sa salle de jeux et là c'est super il y a plein de choses: des cerceaux, des ballons...

Père Noël, je voudrais que tu fasses un cadeau à mon papy, parce que mon papy je l'aime beaucoup beaucoup. Mon papy dit toujours qu'il n'a pas beaucoup de temps pour lui, il dit qu'il faut qu'il fasse tout le boulot pour les autres, et il ajoute des gros mots. Il dit qu'il a un patron qui change d'avis comme de chemise, que c'est n'importe quoi au-dessus de lui. Il dit aussi que s'il n'était pas là ce serait n'importe quoi dans l'école, que ce serait n'importe quoi partout. Et qu'en plus il faut qu'il fasse travailler tous ses petits monstres, c'est comme ça qu'il appelle ses élèves, et c'est vrai, une fois ma maîtresse était malade et je suis allé avec lui, les petits il y en avait partout et ils couraient et ils criaient et mon papy il faisait la grosse voix et moi je ne l'avais jamais vu comme ça. Quand les enfants sont rentrés chez eux il était tout mou mon papy.

Cher Père Noël, je ne sais pas si tu peux apporter à mon papy ce qu'il veut: je lui ai demandé ce qu'il voudrait pour Noël et en rigolant il m'a dit qu'il lui fallait du temps, plein de temps, de l'argent parce qu'il est payé "à coups de lance-pierre" (je n'ai pas compris), et de la considération  (je ne sais pas ce que c'est, mais toi tu dois savoir). Autrement, si tu ne peux pas, mon papy dit qu'il voudrait par dessus tout un "statut" (je ne sais pas non plus ce que ça veut dire), parce que le reste vient avec.

Voilà, père Noël, si tu veux bien apporter un "statut" à mon papy, je crois que ce serait un beau Noël pour lui. Et mon papy il serait heureux et ce serait bien parce que je l'aime mon papy. Mamy aussi elle serait contente, mon papa et maman aussi. Papa dit toujours que papy fait un boulot de (je ne veux pas écrire le mot, c'est un gros mot, on ne dit pas de gros mot et on n'écrit pas de gros mot au père Noël).

Je t'aime père Noël, et je te fais plein de bisous.


samedi 8 décembre 2012

Le directeur est un spécialiste...


Je crois qu'il n'existe pas en France, voire même ailleurs dans le monde, un métier aussi spécialisé que celui de directeur d'une école publique en France. Les compétences que l’État exige de lui sont, si on y réfléchit bien, démentielles.

Il y a quelques années, certains magazines s'étaient amusés à calculer le salaire qu'aurait dû recevoir une femme au foyer pour la multiplicité des tâches qu'elle accomplissait. C'était frappant, et juste.

Mais que dire d'un directeur d'école? S'il était rémunéré à la hauteur de son travail, c'est un salaire d'un montant extrêmement élevé qu'il devrait recevoir. Mais ceci ne frappe manifestement personne, dans le public bien sûr, intimement persuadé que nous sommes hiérarchiquement bien placés et payés à cette hauteur, mais non plus au sein de l’Éducation nationale, ni même, jusqu'à il y a peu, à celui des syndicats prétendument représentatifs. Il faut dire qu'il n'existe pas de syndicat de directeurs d'école, ceux-ci étant pour tout le monde éducatif, et c'est fort pratique, des "enseignants comme les autres". Je veux démontrer le contraire, en présentant une petite partie -car je vais en oublier ou en occulter beaucoup- des tâches afférentes à la direction d'école. Il faut dire que depuis trente ans chaque nouvelle année, chaque nouveau gouvernement, chaque nouveau ministre, chaque fait divers, nous amène son lot de réglementation prégnante à l'utilité contestable -c'est un euphémisme- et à l'efficacité consternante. Le Code civil français est devenu illisible, les fonctionnaires de Bercy ne comprennent eux-mêmes plus rien au Code des impôts, le Code du travail ressemble à une œuvre cubiste, pourquoi l'éducation nationale échapperait-elle à la règle? Voici donc les différentes fonctions, représentées par autant de métiers, assumées par les directeurs d'écoles français:

  • Le directeur d'école enseigne:
Sur un peu plus de 48 000 écoles publiques, seules 1850 ont 13 classes ou plus. Ce qui signifie que plus de 46 000 directeurs en France ont une charge d'enseignement, et parmi ceux-ci près de 15 000 sont enseignants à temps plein! C'est déjà en soi un métier qui réclame des compétences claires et précises, une formation pointue; l'enseignant est redevable envers ses élèves, les familles, sa hiérarchie, et c'est à lui qu'on reprochera les faillites du système public d'éducation, même s'il fait tout pour les pallier. D'autre part, c'est là en temps comme en énergie le rôle le plus prenant d'un directeur d'école non déchargé, le reste de sa mission devant être accompli en dehors des heures de classe. J'ai moi-même à gérer et à faire travailler 6 heures par jour une trentaine de loupiots de quatre et cinq ans, qui réclament en permanence toute mon attention et vampirisent mon énergie; réclamer de moi que j'aie après 17h mes pleines capacités de directeur d'école, c'est méconnaître totalement mon métier. J'ai plutôt l'impression d'être devenu à ce moment de la journée un zombie balbutiant ou l'ombre de moi-même.

  • Le directeur d'école est agent administratif:
Le directeur procède à l'admission ou à la radiation des élèves de son école, en établissant à ce titre plusieurs documents administratifs qui peuvent avoir en justice force de preuve, comme un registre écrit des élèves de l'école. Il veille également à ce que ses adjoints tiennent avec rigueur leur registre d'appel, qui précise au quotidien les absences des élèves. Il s’assure de leur fréquentation régulière et intervient si nécessaire auprès des familles ou en rend compte au Directeur Académique des Services. Il établit des certificats de scolarité ou d'assiduité qui sont parfaitement considérés par d'autres administrations ou les entreprises. Le directeur organise chaque année de façon administrativement stricte et vérifiable les élections des représentants des parents d’élèves, et prend en règle générale toute disposition utile pour que l’école assure sa mission de service public. A ce titre, il représente l’institution auprès de la commune et des autres collectivités territoriales, et préside le Conseil d'école. Il veille également à la légalité de toute présence humaine ou de toute activité effectuée dans l'école. Représentant de l’État, il est chargé dans son école de la bonne application des textes de loi qui la régissent, même les plus farfelus (vérifier la pression des pneus des bus scolaires...), mais il ne dit pas ce qu'il en pense car il est un directeur d'école consciencieux, et il sait qu'il a un devoir de discrétion et de loyauté envers son institution.

  • Le directeur d'école gère les ressources humaines:
Le directeur répartit les élèves entre les classes et les groupes, dans l'intérêt des élèves, même s'il doit pour ce faire aller contre les intérêts particuliers de certains adjoints qui n'hésiteront pas à le traiter de dictateur. Il organise le service des instituteurs et professeurs des écoles, toujours dans l'intérêt des élèves et contre les intérêts particuliers si nécessaire. D'ailleurs, il surveille l'assiduité des enseignants de son école -et des enseignants ELCO (Langues et Cultures d'Origine)- au même titre que celle des élèves. Il veille à favoriser la bonne intégration des maîtres nouvellement nommés dans l’école et des autres maîtres qui y interviennent (RASED), ainsi que la collaboration de tout autre intervenant extérieur qui aura été agréé. Le directeur organise également le travail des personnels communaux qui, pendant leur service dans les locaux scolaires, sont placés sous sa pleine autorité. Il faut noter que cette gestion des ressources humaines amène le directeur à recevoir de la part des ses adjoints comme du personnel plaintes, soupirs et récriminations, et doit parfois soutenir, consoler, convaincre, et même contraindre. Ce n'est pas pour le directeur d'école son rôle le plus facile. Il m'est arrivé de contacter ma hiérarchie pour signaler l'alcoolisme sur son lieu de travail d'un collègue en profonde dépression, et qui comme toute personne dans ce cas refusait l'aide de quiconque... Je peux vous assurer que ce n'est pas évident.

  • Le directeur d'école est animateur:
Le directeur assure la coordination nécessaire entre les maîtres, et organise pour l’équipe pédagogique diverses réunions et Conseils (des maîtres, de cycle,...) qu'il anime. Il réunit et anime s'il en est besoin l’équipe éducative. Puis-je préciser que chacune de ces multiples réunions doit faire l'objet d'un compte-rendu amoureusement concocté par le directeur d'école, et scrupuleusement envoyé à sa hiérarchie? Le directeur aide au bon déroulement des enseignements en suscitant au sein de l’équipe toutes les initiatives qui peuvent améliorer son efficacité, mais il doit souvent lui-même proposer certaines actions si son équipe est amorphe, ou en refuser d'autres à l'intérêt douteux ou à la limite de la légalité (ventes diverses, fêtes sur le temps scolaire...), même si cela va à l'encontre de l'avis de la majorité d'une équipe qui sait pertinemment qu'au moindre problème c'est le directeur et seulement le directeur qui s'en prendra plein les dents.

  • Le directeur d'école est formateur d'adultes:
Le directeur peut être amené à participer à la formation des futurs directeurs d’école, comme à l'encadrement d'une animation pédagogique. Le directeur forme comme il le peut et quand il le peut, sur le tas, les EVS, AVS et autres emplois d'avenir nommés dans son école et qui n'ont en général aucune compétence dans la fonction qu'ils sont destinés à assumer. Nous sommes combien à l'avoir fait pour finalement avoir vu les gens partir? Que de temps et d'énergie gaspillés en pure perte... Il peut aussi être demandé au directeur un rôle de conseil auprès d'enseignants débutants nommés dans son école.

  • Le directeur d'école est responsable pédagogique:
Étonnant, non? Et pourtant c'est vrai. Alors que notre hiérarchie comme nos adjoints ou les syndicats dénient aux directeurs d'école toute responsabilité pédagogique, il en est pourtant une qui nous incombe, c'est celle du Projet d'école. Techniquement, le projet d'école est élaboré par la communauté éducative (mon œil!) au sein de laquelle -je cite- "l’équipe pédagogique présidée par le directeur joue un rôle central pour tous les aspects concernant spécifiquement l’enseignement, puis il est soumis pour avis au Conseil d’école qui en arrête la forme définitive". En fait, c'est le directeur qui fait le bilan du projet précédent et qui met en forme le nouveau à partir des idées, besoins, envies ou propositions de l'équipe pédagogique... si elle en a. La responsabilité du directeur est primordiale car la démarche d'élaboration du projet d'école implique une connaissance globale des élèves, de l'équipe et de l'environnement que lui seul en général maîtrise et peut mettre en cohérence pour la réussite des élèves dans leurs apprentissages. C'est aussi le directeur qui présentera ce projet et le défendra devant le Conseil d'école... et son IEN! Et c'est lui aussi qui se fera taper sur les doigts si le projet n'est pas totalement dans les clous plantés par le ministère. Projet d'école? Les derniers élaborés dans les écoles venaient en partie en droite ligne de la DGESCO...

  • Le directeur d'école est gestionnaire mobilier:
La Loi est claire: l'ensemble des locaux scolaires est confié au directeur de l'école, responsable de la sécurité des personnes et des biens. Le directeur d'école doit donc quotidiennement vérifier l'état des locaux et signaler aux services techniques de la commune tous les travaux d'entretien ou de réparation à réaliser dans l'école en précisant le caractère d'urgence que peut présenter une intervention, pour des raisons de sécurité par exemple. Il veille quotidiennement à leur hygiène (nettoyage, toilettes bouchées...) comme au confort et la sécurité de ses élèves (défaillances techniques, de chauffage...). Pour la préparation du budget communal, le directeur est sollicité pour indiquer les gros travaux qu'il estime nécessaires. Le directeur prévoit et organise les besoins mobiliers (tables, chaises...) avec un maximum d'équité, ce qui n'est pas toujours bien vu des enseignants, répartit les classes entre eux, organise les autres locaux en fonction des besoins de l'école (cour de récréation, garderie, restauration, bibliothèque, RASED...), en fixe les modalités d’utilisation pendant les heures au cours desquelles ils sont utilisés pour les besoins de l’enseignement et de la formation, et s'accorde avec la municipalité pour les conventions d'utilisation en dehors de ces heures, car des locaux à usage scolaire, en dépit des velléités de certains élus, ne peuvent être utilisés qu'en respectant leur neutralité laïque, et donc aucunement pour des besoins confessionnels ou politiques.

  • Le directeur d'école est responsable hygiène et sécurité:
Comme on l'a vu plus haut, l'ensemble des locaux scolaires est confié au directeur de l'école, responsable de la sécurité des personnes et des biens. Les responsabilités des directeurs d'école en matière de sécurité sont énormes, et confinent souvent à l'absurde, car on leur demande dans ce domaine des compétences et des connaissances qu'ils n'ont pas. Si leur rôle de gestionnaire des ressources humaines n'est pas simple, que dire de ce rôle ci!

Pourtant la responsabilité pénale de la direction d'école a été souvent engagée, surtout s'il s'agissait de maltraitance. Mais il s'agit peut-être alors de la responsabilité la plus compréhensible pour un agent de terrain dont la première mission est celle de recevoir de nombreux enfants entre deux et onze ans, et qui doit logiquement veiller, en liaison avec les services compétents, à la protection des enfants qui sont à sa charge. Nous accueillons nos élèves au moins six heures par jour, et nous les voyons souvent plus longtemps que leurs parents eux-mêmes. Kipling écrivait que nous sommes in loco parentis. C'est vrai, nous en sommes conscients, et nous acceptons cette charge avec chaleur et considération. Mais cela reste néanmoins une charge.

Le directeur doit veiller à ce que les activités scolaires se déroulent de façon sécurisée: cela inclut le matériel qui doit être en état (en EPS par exemple), l'installation électrique qui doit être aux normes (les multiprises sont à bannir), les locaux sûrs et entretenus y compris la cour de récréation. Si l'entretien des installations de sécurité (boîtiers d'alarme, sirènes, panneaux des consignes ou d'évacuation, éclairage de secours, extincteurs...) est à la charge des communes, c'est néanmoins le directeur qui vérifiera leur état de fonctionnement ou leur date de révision, notamment au cours des nombreux exercices d'évacuation qu'il doit faire dans l'année, entre alarmes-incendie et alarme-danger majeur. D'ailleurs, une commission de sécurité visite régulièrement les écoles, et le directeur doit être présent, et prêt à se faire disputer par un capitaine de pompiers pour quelque chose qu'il ne maîtrise pas -cela m'est arrivé-.

Les registres de sécurité où sont consignés tous les contrôles et exercices effectués doivent être à jour. Attention, chers collègues! Seuls les registres conformes à la loi et attestant des courriers transmis aux services municipaux peuvent dégager la responsabilité des directeurs en cas d'événements graves survenus dans l'école. Vous êtes prévenus. Si vous ne pouvez pas prouver que vous aviez signalé un danger et qu'un accident arrive, c'est vous qui prendrez. Agréable perspective, n'est-ce pas? Vous ne saviez pas forcément ça quand vous avez accepté cette mission... Et il est inutile pour vous remettre de vous précipiter sur un verre de gnôle ou de griller une cigarette, l'alcool est interdit à l'école et c'est le directeur qui veille à faire respecter l'interdiction de fumer dans les locaux scolaires, dont la cour de récréation fait partie.

Le directeur veille aussi aux accès de son école, à qui y entre et qui en sort, quitte à se colleter avec un intrus -cela m'est aussi arrivé-. Voilà une mission de police que je n'avais pas imaginée en devenant directeur. D'autant que le plan Vigipirate est au niveau rouge depuis juillet 2005, et prévoit que le directeur est tenu de mettre en place un filtrage à l’entrée des écoles, de maintenir les portes de l’école fermées, d'interdire le stationnement devant l’établissement, de signaler tout colis suspect, de contrôler l’accès et repérer les objets douteux lors d’un regroupement (réunion, événement sportif, fête d’école...), et de vérifier l’identité et les bagages des personnes participant à une sortie ou un voyage scolaire. Signalons d'ailleurs que le directeur d'école doit donner son autorisation écrite, ou non -s'il estime les conditions de sécurité insatisfaisantes-, aux enseignants de l'école qui désirent effectuer une sortie. Et pour une sortie avec nuitées, c'est aussi le directeur qui se charge du dossier énorme qui doit être envoyé au DASEN qui seul peut donner l'autorisation. Même si c'est quand même le directeur qui au moment du départ vérifiera le bus de transport récupérera la marque, le numéro d'immatriculation et le numéro de la carte violette du véhicule, ainsi que ainsi que le nom du conducteur et le numéro de son permis de conduire... Oui. C'est lourd, hein? Cela date de 1999, nous le devons à Ségolène Royal, fameuse pasionaria de la bureaucratie galopante et de l'autorité méprisante, dont la maxime était "je me couvre"...

Signalons en passant aux collègues qui l'ignorent que la police, à moins d'avoir été appelée, doit elle aussi montrer patte blanche pour entrer dans un école; elle ne pourra pas par exemple emmener ou interroger un élève sans commission rogatoire délivrée par un magistrat, et même l'interrogatoire devra être mené en présence du directeur qui contresignera le procès-verbal.

Il est d'autres domaines de la sécurité dans lesquels le rôle du directeur dépasse largement ses compétences, à moins peut-être d'avoir été sapeur-pompier -et encore!- dans une vie antérieure. Le directeur élabore un PPMS (Plan particulier de Mise en Sûreté face aux risques majeurs)... Ah, le PPMS... Ce "truc" a été inventé après l'accident de l'usine AZF. Comme si un tel plan pouvait prévenir la soudaineté et l'inattendu d'un accident industriel majeur. Le PPMS, c'est du pipeau. Mais du pipeau lourd, et c'est une responsabilité étrange que son élaboration. Le PPMS s'applique dès lors qu'un "risque majeur" intervient dans un périmètre variable dont l'école fait partie: camion-citerne chargé de produits toxiques qui se reverse, usine "type Seveso" qui lâche de la dioxine dans l'atmosphère, missile sol-sol qui tombe sur la base aérienne voisine, etc... Dans ce cas, les élèves doivent être confinés dans un lieu sécurisé, de l'eau mise en réserve peut leur être servie, etc. Que ce soit depuis 2002 à un directeur d'école d'élaborer un tel plan de trente ou quarante pages me fascine. D'autant que le PPMS en question ne tient absolument pas compte des plans élaborés localement par la municipalité ou la préfecture, plans qui évidemment prennent le pas sur celui de l'école. Mais bon, je ne m'étendrai pas plus là-dessus, tous les directeurs d'école qui me lisent savent de quoi je parle. Voici le lien des textes officiels, si vous aimez vous prendre la tête faites-vous l'ultime plaisir de les déchiffrer! Voilà ce que c'est que d'exercer ce métier de directeur d'école à une époque où chaque pet de travers amène une nouvelle réglementation. Au fait, chers collègues, depuis 2002 que nous avons cette responsabilité, avez-vous seulement changé une fois vos réserves d'eau, qui doivent être croupies aujourd'hui?

Mon Dieu, j'allais oublier le DUER! La Loi impose à tout employeur de plus d'un salarié de créer un Document Unique d’Évaluation des Risques. L’objectif principal de ce document est de définir les risques inhérents à l'activité professionnelle dans un lieu donné afin de réduire le nombre et la gravité des accidents du travail et des maladies professionnelles. Sur le fond, je n'ai rien à y redire, bien au contraire. En revanche, que l’administration de l'éducation nationale demande aux directeurs d'école de le faire sous peine de sanction m'insupporte: un directeur d'école est un employé! S'il gère une partie du travail sur le temps scolaire des enseignants ou des personnels communaux présents à l'école, il n'est en aucun cas leur employeur, et ne maîtrise rien de ce qu'il peut présenter comme danger potentiel dans son école. Un exemple? Un directeur d'école a plusieurs portées d'escaliers dans ses locaux; des escaliers, c'est dangereux pour tout le monde, dont le personnel adulte; donc il signale dans son DUER le danger potentiel représenté par les escaliers. Et? Et rien, on ne va pas lui enlever les escaliers. Un autre exemple: il est nécessaire d'être attentif aux produits d'entretien utilisés dans l'école, afin d'éviter toute intoxication accidentelle -ou volontaire, connaîtra-t-on un jour le nombre de suicides dans les écoles?-; mais si la municipalité pour une raison quelconque décide d'utiliser un autre produit en cours d'année sans en avertir le directeur?

Bref, je ne saisis pas pourquoi l'élaboration des DUER n'est pas donnée à un organisme extérieur ou à un fonctionnaire spécialisé. D'autant que les municipalités font leur propre DUER, et que je sache les écoles font partie du patrimoine communal. Allez comprendre.

Je préfère m'arrêter là sur la question des responsabilités délirantes des directeurs d'école en terme de sécurité, les lister me donne le bourdon. Mais je citerai tout de même pour clore ce panorama les merveilleux cadeaux que nous a fait l’État il y a quelques années en inventant l'Aide personnalisée dont j'ai déjà dit pleinement ce que j'en pensais, et les Stages de Remise à Niveau (SRAN) pendant les vacances scolaires, stages dont la gestion incombe aux directeurs d'école dont chacun sait que leurs longues siestes au soleil pendant l'année leur évite d'avoir à se reposer pendant les vacances. Beaucoup de directeurs ignorent que la sécurité des locaux et des personnes pendant ces stages leur incombe, même s'ils ne les encadrent pas et préfèrent faire du trekking dans les Alpes pour oublier quelques heures leurs charges. Un accident pendant ce temps? Pan dans les dents! Aaaah, mais vous avez choisi d'être directeur, hein, fallait pas si vous ne vouliez pas prendre avec le bébé l'eau du bain, les couches à changer et les maladies infantiles...

  • Le directeur d'école est secrétaire:
Voilà bien la partie de son travail qui prend au directeur le plus long de son temps. J'ai déjà évoqué l'élaboration et la confection de documents variés comme le PPMS et le DUER, qui prennent beaucoup d'heures. J'ai également parlé de la rédaction des divers procès verbaux ou compte-rendus qui doivent être établis et transmis à la hiérarchie pour chaque réunion à l'école: conseils de maîtres, de cycles, d'école, d'équipe éducative... J'en oublie certainement. Cela représente un temps infini passé avant ou après les heures de classe dans le bureau ou chez soi à tapoter sur le clavier de son ordinateur. Notons d'ailleurs que l'ordinateur, outil pratique par excellence que les directeurs d'école ont béni il y a quinze ans, est devenu aujourd'hui une malédiction depuis que l'administration a découvert l'existence d'internet et du courrier électronique... Chaque bureau de la DASEN ou du Rectorat s'ingénie aujourd'hui à envoyer aux écoles -c'est si facile!- son lot de réclamations, d'injonctions, de documents à remplir et renvoyer dans l'heure quand ce n'est pas pour l'avant-veille. Comme en plus ces gens-là n'ont pas forcément une pratique raisonnée et construite de leur engin, il n'est pas rare de recevoir le même courrier en deux ou trois exemplaires, voire plus s'il est retransmis par les IEN ou autre. Je ferai abstraction, je suis aimable, des courriers qui se succèdent à une heure d'intervalle parce que la pièce jointe avait été oubliée, comme du suivant parce qu'il y avait une erreur dedans. Dois-je citer les courriers vides? Ou ceux qui me sont adressés alors que je ne suis pas concerné? Le meilleur reste la totale ignorance par les services de l'éducation nationale de l'envoi possible en CCI (Copie Conforme pour Information) qui m'éviterait dans chaque courrier la liste complète des  destinataires, qui peut faire une page. Z'avez pas intérêt à imprimer la chose...

Je veux maudire également les manies conjointes de l'évaluation et de la statistique qui ont saisi ces dernières années les divers organes administratifs de l'éducation nationale. J'ai abondamment écrit ailleurs que chaque fonctionnaire, pour justifier son existence, se devait d'élaborer une enquête superfétatoire mais qu'il pourrait présenter à ses supérieurs. Les enseignants d'abord, qui évaluent à tour de bras de façon normée mais n'ont plus le temps d'enseigner, puis les directeurs d'école, en font les frais, en étant contraints de rédiger ou remplir de multiples tableaux redondants dans divers formats informatiques. Entre Évaluations nationales, Livrets d'évaluation de l'école, Livrets Personnels de Compétences (LPC) et autres Brevets divers (natation, informatique, vélo...), les directeurs s'éclatent à mort, surtout s’ils ont beaucoup d'élèves, et finissent étouffés de rire convulsif sur leur clavier, quand ils ne noient pas leur chagrin dans l'absorption salvatrice d'alcools divers pour oublier leurs larmes. C'est d'autant plus de temps perdu inutilement que la plupart des chiffres transmis sont faux, les évaluations normées étant conçues en dépit du bon sens ou les enseignants eux-mêmes en ayant changé les passations ou les résultats pour tenter de sauver les meubles et ne pas anéantir leurs élèves. Mais l’administration est heureuse, et les IEN jubilent de suffisance en voyant en dépit de toute vraisemblance les chiffres de leur circonscription évoluer de façon favorable. C'est pathétique.

Gérer le fameux fichier Base Elèves est aussi un régal de fin gourmet. Alors qu'il n'y a que peu d'années il suffisait de remplir avec conscience un registre matricule écrit des élèves de l'école, qui encore aujourd'hui fait seul preuve auprès d'une instance administrative ou judiciaire, les directeurs d'école aujourd'hui font le travail en double en remplissant "en ligne" le fichier Base Elèves, qui dut être conçu par un esprit pervers façonné dans les enfers: quand le programme est atteignable -vous avez intérêt à avoir une bonne connexion internet dans votre école-, quand vous réussissez à l'ouvrir -c'est au bon gré du responsable technique académique qui a sous-dimensionné les accès faute de sous-, vous vous retrouvez dans un monde étrange au fonctionnement bizarre qui surpasse toute logique, et réclame de cliquer cinquante fois sur des menus aux appellations étranges, pour arriver à faire en vingt minutes ce qu'à la main vous faisiez en trois. Je dois signaler aux néophytes que l'accès à ce programme, summum incontesté de l'intelligence humaine, ne peut se faire qu'à l'aide d'une clé électronique OTP, signe distinctif aujourd'hui du directeur d'école qui la porte généralement en sautoir au bout d'une chaîne en or. Ce bijou vivant, dont les numéros changent de minute en minute, sert de signe de reconnaissance et n'est délivré qu'au cours d'une cérémonie particulière orchestrée par les instances académiques. Sans cette clef, ne rêvez pas, vous n'êtes rien. Administrativement du moins. Mais ne la perdez pas, ça coûte bonbon...

J'ai décidé de passer sous silence le travail de secrétariat que le directeur d'école fait de lui-même pour gérer son école ou communiquer avec les familles. Il prend du temps aussi, beaucoup de temps parfois, mais voilà du vrai et du bon boulot, au plus près des besoins, utile et efficace.

  • Le directeur d'école est comptable:
Normalement, une école, qui n'est pas un établissement, n'a pas de budget propre. Mais depuis longtemps les écoles, qui ont des besoins qui ne peuvent être pris en compte par les budgets votés par les municipalités, ont créé des coopératives ou des associations qui leur permettent plus de souplesse dans leurs activités: sorties, achat de petit matériel, etc. Normalement, ces coopératives d'école ne devraient pas être gérées par les directeurs, mais c'est hélas souvent encore le cas. Et voilà une charge supplémentaire pour de nombreux collègues directeurs amenés aujourd'hui à gérer des rentrées et des sorties monétaires. Quand il s'agit de vendre des photos de classe, bonjour la gestion!

Parallèlement, le directeur de par sa fonction doit gérer la répartition équitable des moyens financiers votés par la municipalité. Il fait des choix, sans perdre de vue l'intérêt des élèves, s'occupe des bons de commande auprès des fournisseurs ou de la centrale d'achats, réceptionne, etc... et se débrouille pour ne pas faire d'erreur!

De fait, le directeur d'école est comptable.

  • Le directeur d'école fait de la communication:
Un directeur d'école est d'abord un communicant. Même si son public est captif, il lui revient d'expliquer, de temporiser, d'arrondir les angles. D'abord bien sûr dans les réunions, qu'elles soient publiques (réunions de parents) ou non (réunions internes à l'équipe ou conseils d'école, mais aussi réunions institutionnelles avec la municipalité, sa hiérarchie, etc). Le directeur d'école doit savoir résumer, ramener au propos, sourire même s'il n'en a pas envie, éviter les débordements, calmer divers protagonistes, expliquer tenants et aboutissants, présenter des mesures officielles même s'il ne les approuve pas... Il sait rester loyal envers l'institution lorsqu'il parle, il sait écouter reproches et récriminations qu'elles soient justifiées ou non. Le directeur compétent est un as de la diplomatie, qui sait "vendre" son projet d'école auprès de sa hiérarchie, de sa municipalité ou de ses parents d'élèves qui ignorent souvent son absence de statut au sein de l’éducation nationale. Il est la vitrine de son école, le garant de sa bonne ambiance. Il est parfois le recours de nombreux conflits. Et c'est bien pourquoi il est la première victime des agressions perpétrées en milieu scolaire, qu'elles viennent des parents ou des enseignants. Autrefois premier dans son école -primus inter pares-, l'alpha est devenu l'omega, celui qui prend les coups à la place des autres, celui qui comme il s'interpose reçoit de plein fouet les insultes ou les coups, réels et virtuels. Comme dernier représentant de l’État dans de nombreuses communes, le directeur d'école est aujourd'hui le réceptacle de la plupart des faillites sociétales, institutionnelles et parentales. Tampon, exutoire, souffre-douleur... Le prix est cher à payer. 



Tous ces métiers font aujourd'hui des directeurs d'école des spécialistes, des maillons indispensables au bon fonctionnement de l'école primaire. Certains voudraient l'oublier, et faire fi de leurs justes revendications. Mal payés, mal considérés même par leur propre hiérarchie, accablés de tâches diverses dont beaucoup sont inutiles ou redondantes, écrasés sous des responsabilités qui au cours des décennies n'ont fait que croître, désarmés juridiquement et administrativement, les directeurs d'école maintenant n'ont plus d'alternative: soit on leur donne un statut clair et ce qui l'accompagne (salaire, moyens, temps), soit ils disparaitront, certains partant car l'honnêteté implique de renoncer lorsque la mission est impossible à remplir, le reste s'effondrant sous son propre poids. Combien de postes sont désertés chaque année? Au détriment des élèves et du bon fonctionnement de l'école, évidemment. Le choix est désormais entre les mains du ministre, mais aussi entre les nôtres: si nous ne nous manifestons pas, rien ne changera, jusqu'à l'écroulement de l'édifice. Il y a maintenant urgence à sauver la direction d'école.

mercredi 5 décembre 2012

Un petit ajout sur l’égalité entre les sexes...


Suite à mon billet précédent, je dois ajouter un petit quelque chose que je trouve parfaitement hilarant (c'est bien de rigoler un peu)... C'est que si cette "éducation qui porte et transmet la culture de l’égalité entre les sexes" que vante notre ministre est pour l'instant manifestement si mal transmise par les enseignants, c'est certainement la faute... aux 83% de femmes que compte l’Éducation nationale. CQFD.

dimanche 2 décembre 2012

L'éducation absurde...


Il existe au sein de l'éducation nationale certaines catégories de fonctionnaires qui pour justifier leur existence inventent des usines à gaz. Elles sont ensuite injectées dans les écoles à grands coups de consignes péremptoires, alors qu'elles emmerdent tout le monde et sont d'une inutilité consternante. Les évaluations, par exemple.

L'instit'humeurs évoque le sujet dans un billet récent qui prend comme prétexte un débat qui fut organisé il y a peu à l'université René Descartes (Paris 5). Ce débat animé par Alain Bentolila opposait Michel Quere, directeur de la DEPP -(Direction de l’Evaluation, de la Prospective et de la Performance), organe superfétatoire puisque nié par les précédents gouvernements, et dont l'absence n'a pas gêné grand monde pendant ces quelques années- à Laurent Danon-Boileau, professeur à Descartes, psychanalyste et linguiste, spécialiste du langage chez l’enfant.

Bref, ce débat opposait un fonctionnaire à un spécialiste de l'enfance. Dit de cette façon, vous comprenez où se placent mes amitiés.

M. Depp... pardon, M. Quere fait évidemment l'apologie de l'évaluation à l'école. M. Danon-Boileau, lui, explique avec pertinence que "sur le terrain ces évaluations sont considérées comme des obligations, pas comme des outils, parce qu’inadaptées". Inadaptées effectivement, car inutilisables par les enseignants pour leur travail quotidien. Sans compter la somme considérable de temps nécessaire à la passation de ces évaluations et à leur traitement par les directeurs d'école -qui d'autre est censé en avoir le temps?-. Tout ça pour qu'en fin de compte un IEN ou un DASEN ait le plaisir ineffable -j'en ai vu qui se délectaient- d'avoir des statistiques sous le nez. Mais M. Depp... --décidément- M. Quere expose que ces évaluations sont intéressantes "si elles sont pratiquées correctement." Ce qui signifie que les enseignants ne le font pas, alors que les consignes de passation nous sont données par le ministère. Ah oui, mais c'est vrai, j'oubliais que ces gens-là ne sont pas enseignants! Outre un flagrant mépris, M. Quere montre ici clairement les limites d'un système inadapté. Car soyons clair: si l'objectif d'une évaluation est, comme il le dit lui-même, "d’infléchir les pratiques pédagogiques", pourquoi y aurait-il besoin d'évaluation externes normées et généralisées, alors que nos conditions de travail sont partout différentes, nos élèves aussi? Contrairement aux finlandais, qui ne donnent pas de note au travail de leurs élèves avant l'âge de dix ans, nous allons même jusqu'à évaluer les enfants de maternelle, ce qui est un pure et simple aberration! Mais nos IEN sur le terrain y tiennent, et soutiennent mordicus que c'est utile, alors que c'est surtout la preuve de la totale méconnaissance par ces gens là de la façon dont grandit un enfant entre deux et dix ans!

M. Danon-Boileau a beau jeu de rappeler que "le savoir est toujours émergent, en ébauche. Il est donc nécessaire de varier les supports, de multiplier les occurrences. L’inverse de ce que proposent les évaluations standardisées."

Je dis toujours qu'il est primordial, lorsqu'on accompagne un enfant sur le chemin de la connaissance ou de la compétence, de lui en laisser le temps de l'acquisition. Et ce temps ne dépend de personne sinon de l'enfant lui-même. L'enseignant propose, l'enfant dispose. C'est ce que font intelligemment les nations évoluées. Ce n'est pas le cas de la France, qui voudrait tout normer. Même Alain Bentolila, qui dirigeait le débat évoqué ci-dessus, ajoute que "Il ne faut pas jeter l’évaluation en maternelle a priori." Eh bien si, s'il s'agit d'une évaluation normée. C'est une pure ineptie en maternelle. Ne peut-on faire confiance aux enseignants? A condition qu'ils soient formés, bien entendu. Depuis trente cinq ans que je fais ce métier, je sais parfaitement, sans avoir besoin de papier à en-tête de l'éducation nationale, où en sont mes élèves à un instant T. Et surtout lequel d'entre eux a besoin d'aide. Mais notre administration, dont la DEPP, non contente de mépriser les agents de terrain qui pourtant font tout le boulot, n'a aucune confiance en nous. Ce fut certes flagrant ces cinq dernières années, mais cette méfiance est en fait très ancienne. Et elle commence à sérieusement nous peser sur les genoux...

Bref, il faut abandonner ce système pesant et absurde qui ne sert à rien sinon à justifier la présence et la paye de nombreux fonctionnaires qui seraient certainement mieux ailleurs. Et, disons-le vulgairement, lâcher la grappe aux enseignants qui ont assez à faire comme ça avec les programmes démentiels concoctés par d'autres inutiles. Au passage, supprimons aussi cette pure idiotie d' "aide personnalisée" qui n'a que rarement aidé qui que ce soit et coûte des sommes folles à la Nation. En maternelle en particulier, elle relève carrément de la maltraitance. Mais qui osera le dire? L'idée d'assommer les élèves les plus faibles d'un temps collectif supplémentaire consacré au notionnel ne peut être sortie que d'un cerveau malade.

Et puis, cela permettra peut-être aux directeurs d'école de récupérer ces deux heures hebdomadaires dont personne ne les a sevrés et qui leur seront bien nécessaires pour accomplir leur importante mission.

Et si on en profitait aussi pour alléger les programmes? Comme l'éducation nationale est similaire aux écuries d'Augias et requiert un nettoyage d'importance, de même les programmes sont un salmigondis de tout et n'importe quoi au détriment de l'essentiel. Au cours des décennies sont venues s'y ajouter des enseignements qui relèvent de l'obsession de personnages divers -l'histoire de l'art, tiens, quel joli cadeau ce fut-, de faillites sociétales -les dangers domestiques, par exemple, ou les méfaits de l'alcool et du tabac-, de la morale -et là c'est plus douteux, car la morale n'est pas universelle- ou plus simplement des manques du milieu familial. Pourquoi diable les enseignants doivent-ils apprendre aux enfants tout ce qui relève normalement de l'éducation parentale? Sexualité, lutte contre l'homophobie, exaltation de l'altérité et de la différence, traverser la rue, rouler en vélo... Flûte! Je n'ai jamais eu ce genre d'enseignement lorsque j'étais élève (oui, je commence à me faire vieux), et j'ai eu une sexualité heureuse et construite, je n'ai jamais tabassé personne, je n'ai jamais provoqué d'accident de la route... Je crois même que plus on en parle pire est la situation. Pourquoi vouloir répondre à des questions que les enfants ne se posent pas? Il en existe suffisamment qu'ils se posent et auxquelles nous n'avons plus le temps de donner de réponses.

Mais en ce sens, hélas... Je croyais naïvement qu'avec l'arrivée de la gauche le temps des âneries concernant l'école primaire était fini. Je dois vraiment être d'une naïveté confondante. Notre époque, qui veut tout réguler et tout interdire, au nom d'une morale bien-pensante qui relève de la méthode Coué, nie de plus en plus la sexualité et sa différenciation, alors que dans le même temps vous pouvez trouver sur internet les formes les plus éloquentes de l'aberration dans ce domaine. Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes, se sont soudain trouvés pris d'une farouche volonté de nous apprendre que les hommes et les femmes sont égaux. Certes, je n'en disconviens pas, et qui me connait sait que je n'ai jamais ni dans ma vie personnelle ni dans mon enseignement pratiqué une quelconque ségrégation ou simplement différencié mes relations ou élèves en fonction de leur sexe. Mais lorsque deux ministres, dont mon ministre de tutelle, me disent que la construction, "dès la maternelle, d’une éducation qui porte et transmet la culture de l’égalité entre les sexes est un impératif républicain", je commence à voir rouge. Je rappelle avec chaleur que la Déclaration des Droits de l'Homme nous dit que les "hommes naissent libres et égaux en droit". EN DROIT! Doivent-ils pour autant tous porter un pantalon ou une jupe, selon ce que décidera le gouvernement? Devrai-je interdire à mes petites élèves de jouer dans le coin-dînette de ma classe? Devrai-je les obliger à jouer avec des petites voitures, alors qu'elles n'en ont rien à faire? Il faudra faire la lecture à ces messieurs-dames, leur lire Jung, leur faire comprendre ce que sont des stéréotypes et des archétypes, leur en expliquer l'importance dans la construction de leur esprit. Plus tard, ces enfants seront des hommes et des femmes adultes, aux différences sexuelles marquées et réelles. L'individualisation sexuelle est d'une importance cruciale dans la construction d'un individu, et la différence entre les sexes est une réalité physique. Et quant à ce qui est des jeux infantiles, qui suis-je pour intervenir et suggérer, alors que mes petites filles aiment jouer à la dînette et se déguiser, et que mes petits garçons jouent aux voitures et à des jeux de construction? Devrai-je interdire à mes fillettes d'utiliser les feutres roses pour dessiner des princesses, et à mes garçonnets de dessiner des véhicules de police? Cela touche profondément à l'éducation familiale, à la morale familiale, à la religion familiale. Ce n'est pas du domaine de l'école! Laïcité ne signifie pas intrusion dans les valeurs personnelles garanties par la Constitution. Je m'insurge totalement et viscéralement contre ce que ce nouveau gouvernement veut nous faire ajouter à notre enseignement. Je m'en insurge même doublement, car à l'heure où il est urgent de mieux payer les enseignants, d'alléger les programmes, de supprimer les scories que sont les évaluations et l'aide personnalisée, et de donner aux directeurs d'école un statut clair qui leur permettra de remplir leur mission avec sérénité, rajouter une couche supplémentaire d'inenseignable est une provocation. C'est l'arbre de la bien-pensance et du politiquement correct qui occulte la forêt des réformes indispensables au bon fonctionnement de l'école de la république. C'est dérisoire, au moment où tout l'édifice menace de s'effondrer.

Je le savais, je le disais, mais je ne m'en console pas: cette "refondation" est vraiment une fumisterie.

Faites-vous un cadeau pour Noël !


Vous voulez vous offrir un cadeau ? On n'est jamais mieux servi que par soi-même. Alors...


Cela ne coûte pas cher -20 euros- et ça peut rapporter très gros, dès janvier, quand les négociations sur la direction d'école commenceront ! Le GDID en sera partie prenante pour défendre tous les directeurs d'école, et plus nous serons nombreux plus nous serons forts. Alors, n'hésitez pas: pour Noël, adhérez au GDID !