mercredi 30 janvier 2013

La stratégie du ben oui, ben non...


Le présent gouvernement, comme notre Président de la République, ont adopté une stratégie étonnante que j'appellerai la stratégie du "ben oui, ben non".

Ce succédané de gestion de l’État répond à la définition suivante: je reconnais un problème, et je ne fais rien pour le résoudre. C'est ce qu'on pourrait appeler le degré zéro de l'investissement politique.

Notez que je ne reproche rien à ce gouvernement sur ce point, car il ne fait que persister dans des atermoiements dont nous autres français sommes familiers depuis trente ans. Sauf que les précédents gouvernants cachaient leur inaptitude derrière une autosatisfaction puissante (Mitterrand), une hyperactivité forcenée mais déplacée (Chirac) ou en faisant strictement l'inverse de ce qu'il aurait fallu faire (Sarkozy). Le présent staff qui nous dirige, lui, regarde et reste inerte, tel une poule devant un couteau.

Voulez-vous un exemple? Celui de la rémunération des enseignants du primaire, question chère à mon cœur, est particulièrement parlant, d'autant que M. Peillon ne se prive pas de le colporter dans tous les médias:

- M. Peillon, pensez-vous que les enseignants du primaire sont mal rémunérés?
- Ben oui.
- Allez-vous faire quelque chose pour y remédier?
- Ben non.

Notez que son patron Président ne se prive pas d'utiliser la même stratégie. Dernier exemple en date, celui du "mariage pour tous" (quelle abominable expression!):

- Monsieur le Président, beaucoup de français ne veulent pas de ce "mariage pour tous", vous l'avez vu avec le succès incontestable de la manifestation du 13 janvier...
- Ben oui.
- Allez-vous aménager votre projet?
- Ben non.

Bon, forcément, le discours réel est plus construit que ce "ben oui, ben non" comminatoire. Mais cela revient strictement au même, tellement ces gens-là sont persuadés d'avoir raison. Sauf que les choix qui sont faits en dehors parfois de toute vraisemblance ne conviennent pas forcément à la majorité de la population. Étonnez-vous ensuite d'avoir aussi peu d"inscrits puis de votants aux divers scrutins qui ponctuent la vie française...

Je ne peux m'empêcher d'ailleurs de constater que cette stratégie est aussi contagieuse qu'un mauvais virus, si j'en prends l'exemple que les enseignants parisiens nous ont donné dernièrement en se mettant en grève seuls d'une manière qui a laissé pantois nombre d'enseignants de province et donné une image désastreuse de la profession dans les médias:

- Vous enseignant du primaire à Paris, vous êtes conscients que la semaine de quatre jours est une catastrophe pour les élèves?
- Ben oui...
- Vous devez donc saluer avec joie la réforme de M. Peillon?
- Ben non...

Avant de me mettre à dos tous les instits parisiens, je dois admettre que ceux-ci bénéficient aujourd'hui de quelques privilèges, sous la forme d'intervenants extérieurs payés par la ville de Paris, qui risquent fort de s'amenuiser prochainement devant les frais occasionnés par l'accueil périscolaire supplémentaire qu'implique la réforme des rythmes scolaires. Je ne peux guère leur reprocher de les défendre, d'autant que notre métier est devenu si difficile que pouvoir souffler de temps à autre n'est pas un luxe. Mais le résultat de cette grève est, disons-le franchement, catastrophique, public comme médias n'y ayant rien compris ou ayant fait semblant de n'y rien comprendre. Nous avions déjà une image horrible bien que parfaitement injuste, merci pour le charmant cadeau de nos chers collègues. Voilà bien d'ailleurs l'illustration de la parfaite inutilité d'une grève, et de l'action malfaisante de nombreux syndicats restés au stade de la lutte des classes -sans jeu de mots-...

J'ai bien conscience que ce raccourci du "ben oui, ben non" est parfaitement sommaire, et ne peut résumer les tenants et aboutissants d'une réflexion globale sur le fonctionnement du système scolaire public français. Il serait opportun d'y ajouter un "ben peut-être" très normand dans son expression, mais si sibyllin dans sa signification. Transformons donc notre première intervention:

- M. Peillon, pensez-vous que les enseignants du primaire sont mal rémunérés?
- Ben oui.
- Allez-vous faire quelque chose pour y remédier?
- Ben peut-être... quand j'aurai du flouze!
- Mais aujourd'hui?
- Ben non...

Vous admettrez que cela ne change pas grand chose dans les faits. Néanmoins, la porte reste ouverte -le PS aime les portes ouvertes, contrairement à l'UMP qui les tenait fermées d'une poigne volontaire bien que suicidaire-.

Pour les directeurs d'école aussi la porte est ouverte. Mais gare aux coups de vent qui les ferment bruyamment et coincent les doigts, ce qui fait très mal. Il va falloir que le GDiD cale fermement son pied pour l'éviter...

- M. Peillon, il y a en France un problème important de la direction d'école...
- Ben oui.
- Les directeurs d'école sont aujourd'hui les meilleurs garants de la réussite de la "refondation" que vous voulez accomplir...
- Ben peut-être...
- Allez-vous donner aux directeurs d'école le statut qui leur est nécessaire pour accomplir leur mission au mieux de l'intérêt de leurs élèves?
- euh...

Je préfère rester pour l'instant sur ce "euh" qui n'engage à rien... en attendant des discussions qui tardent à venir.

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