samedi 9 février 2013

Le dirlo en a plein le dos !


Dieu que la période est difficile!

Avec le temps désagréable qui est le nôtre depuis des mois, la fatigue se fait cruellement sentir. D'autant que les enfants sont infernaux , et quand on en a trente de quatre et cinq ans je peux vous garantir que ce n'est pas tous les jours de la tarte! C'est bruyant, trente loupiots de cet âge, même quand ils sont sages. Pas de décharge, bien sûr, alors la direction d'école quand arrive 17 heures, pffff... J'ai plus envie -ou besoin- d'aller me coucher qu'autre chose.

- Un certificat de scolarité? Bien sûr Madame, pas de souci, je vous fais passer ça ce soir.

Je me plains, mais je les trouve bien mignons quand même, mes petits monstres. Leur sourire, leurs yeux qui pétillent, quand je les félicite d'un travail réussi, ou d'un effort flagrant, vaut encore beaucoup à mes yeux, et me remonte souvent le moral. Et puis nous passons tout de même six heures ensemble presque chaque jour, ne me faites pas croire que cela ne crée pas de lien particulier. Combien de fois dans la journée l'une ou l'un d'entre eux m'appelle-t-il "papa" ? De quoi rendre jaloux tout géniteur normalement constitué. Et combien de rires partagés? Ou de peines à consoler?

- Oui, Monsieur le Maire, je vous envoie le bon de commande dès que j'ai deux minutes.

Le problème, en fait, c'est vraiment d'être aussi le directeur de l'école. Tombé là-dedans un peu par hasard, un peu par envie, je continue par habitude, parce que je sais faire, et que tout le monde attend de moi que ça ne s'arrête pas. Cela fait combien aujourd'hui? Douze, treize ans, je ne compte plus. Mon ancienneté de service non plus, je ne la sais jamais, je suis toujours obligé de calculer: trente-trois ou trente quatre ans? Trente-quatre années à entendre tout et n'importe quoi au sujet de mon boulot, dans la rue, à la télé, et même en formation continue ou de la bouche d'Inspecteurs dont bien peu au cours de ma carrière m'ont montré qu'ils avaient quelque compétence.

- Oui, Madame l'Inspectrice, je vérifierai les renseignements de ces élèves sur BE1D dès les enfants rentrés chez eux.

Atchi! En plus, je suis enrhumé, à la limite de la bronchite. Je ne me plains pas, j'ai pour l'instant échappé à la grippe qui me prive quotidiennement d'un élève, jamais le même, pratique pour rattraper le boulot qu'ils n'ont pas fait. C'est bien le souci d'avoir une progression logique! En revanche, je n'avais pas coupé à la gastro... J'étais venu travailler quand même pour ne pas léser ma propre collègue toute seule qui se serait réveillée ce matin-là avec soixante élèves... ou au moins quarante-cinq, parce que les quinze de ma classe qui mangent à la cantine seraient restés à l'école. Pas simple de répartir des élèves dans ces conditions.

- Comment ça, mon DDEN n'est pas connu de vos services? Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Bon, je vous envoie par courriel ses coordonnées.

J'admets qu'être directeur d'école n'a dans ma position que peu d'avantages... euh, aucun avantage, en fait, que des inconvénients! Je ne comprends pas vraiment pourquoi je persiste. L'idée que les choses vont s'arranger pour nous, peut-être. C'est bien pour ça que je suis entré au GDiD. Je me dis que mon investissement permettra à ceux qui viendront après moi de ne pas connaître cette mouise persistante ni cette course permanente entre classe et élèves, bureau, Mairie, inspection...

- Monique est au dortoir avec les petits? Bon, je viendrai t'essuyer les fesses dans cinq minutes...

J'avoue aussi que l'ambiance actuelle me déplait. Tous ces instits en grève ou pas en grève, tous les syndicats qui défouraillent au petit bonheur la chance sur tout et n'importe quoi, chacun dans son coin, tous les collègues qui ne comprennent rien à ce qui se passe et croient tout ce qu'on leur raconte, tous les médias qui en rajoutent dans la surenchère... Déjà que les enseignants ont une image pourrie, je ne vous dis pas dans quelques semaines -"toujours en vacances, ma chère!"... Tout cette excitation inutile me fatigue.

- ON SONNE A LA GRILLE! Bon, personne n'est dispo... C'est Léana qui revient d'orthophonie. J'Y VAIS!

Ben oui, un décret est un décret! Un enseignant n'est qu'un petit fonctionnaire, le dirlo aussi, il obéit à un décret, et n'a rien à en dire. D'autant que ce décret me convient, mes gosses ne seront peut-être pas comme d'habitude excités le jeudi matin, et peut-être pas exténués comme ils le sont aujourd'hui en fin de journée. Quand je pense qu'un ministre soi-disant bien intentionné leur filait en plus quarante-cinq minutes d'aide personnalisée... Et ça, c'est une merde, disons le mot, qui disparait enfin. Ouf!

- Il faut changer le toner? Le mode d'emploi est... Flûte, j'y vais!

Cela me fait penser que le ministère, cette semaine, m'a bien fait rire. Cette grand-messe organisée pour les IEN afin qu'ils dispensent la bonne parole auprès des municipalités est à se rouler par-terre! Si ces gens savaient à quel point les Maires s'en tamponnent, des IEN. Forcément: dans les grandes agglomérations les Inspecteurs de l’Éducation Nationale ne sont que de minuscules fonctionnaires dont les rapports avec la Mairie frôlent le néant -alors que les Directeurs de l’Éducation ont affaire avec la Direction d'école-; et dans les petites villes ou les villages c'est avec les Directeurs d'école que les Maires discutent quasi quotidiennement, quand ils ne tapent pas ensemble la belote à l'heure de l'apéro. Alors un Maire écoutera -presque- toujours avec intérêt le directeur de SON école, alors que les borborygmes d'un IEN resteront ignorés. On le voit en ce moment, c'est flagrant, avec le choix à faire entre 2013 et 2014 pour le changement des rythmes scolaires. Je ne suis pas surpris que le ministère ne l'ait pas envisagé une seule seconde, en bonne administration sclérosée, jacobine et centralisatrice. Il serait temps que la décentralisation entamée il y a trente ans avec Gaston Defferre devienne enfin dans les territoires de notre Nation une réalité concrète. En attendant, c'est mon avis à moi, et celui de ma collègue de souffrance en élémentaire, que le Maire a voulu connaître.

- Allo? Dites, la cour de récré est glissante... Vous envoyez quelqu'un mettre du sel? Merci!

Normalement, les discussions sur la question de la Direction d'école devraient commencer... auraient dû commencer... M. Peillon respectera-t-il sa parole? Il l'avait dit, que le ministère travaillerait là-dessus au premier trimestre 2013, à la demande générale d'ailleurs, la situation intenable des directeurs d'école est au centre de toutes les revendications sérieuses d'où qu'elles viennent, chercheurs, professionnels, politiques, administrations des villes, praticiens de tous bords, syndicats -quelques réserves évidemment sur ceux d'extrême-gauche, qui attendent le Grand Soir-... Si M. Peillon avait attaqué ce problème bille en tête dès septembre dernier, y aurait-il présentement un tel chambard dans les écoles? Je me pose la question. Tout de même, un indice encourageant a surgi récemment, avec l'installation à la DGESCO d'un groupe de travail "valorisation et missions du directeur d’école". Nous sommes donc sur la bonne voie. Mais avec la présente fatigue qui est la mienne je ne peux que ressentir une certaine impatience. Allons, je dois être raisonnable.

- Oui Madame, votre fille a trente-neuf de fièvre, elle vomit partout, elle ne peut rester à l'école. A tout de suite.

Tout ceci écrit, j'en ai quand même plein le dos. Je sais bien qu'après deux semaines de vacances je serai tout content de retrouver mes trente bruyants et agités bambins, je sais aussi que j'irai la fleur au fusil participer aux multiples réunions qui s'annoncent pour moi en mars et en avril. Mais pffff... d'ici là... Zou! Un bon bouquin, ou un DVD tiens, pourquoi pas? Rhum-coca, ou Gin-orange, pour tuer les bactéries? Bonne soirée, bonne nuit!

1 commentaire:

  1. L'art de la césure, c'est parfois de savoir trancher.
    Bravo Maître !

    L'Auvergnat

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