dimanche 31 mars 2013

Joyeuses Pâques, mes agneaux...


Beaucoup d'enseignants de l'école publique se disent athées, ou tout du moins agnostiques. Une tradition remontant je le suppose à la formation républicaine forte des "écoles normales" créées au 19ème siècle. Pagnol en a très bien parlé, de cette formation qui récusait religion et clergé mais en adoptait toutes les formes et les croyances. Le 20ème siècle en fut même cinglant de drôlerie quand le milieu enseignant suivait avec autant de fanatisme la doxa syndicale et politique de gauche que le clergé des siècles précédents pouvait en apporter à la direction morale de ses propres ouailles.

Les fêtes de Pâques sont des fêtes religieuses. Ce qui n'interdit nullement aux enseignants d'apprécier cette pause de début de printemps. J'avoue que la semaine qui vient de passer et que j'ai évoquée dans mon précédent billet m'a fait accueillir avec soulagement ces quelques jours de repos. J'ai sérieusement besoin de reprendre mes esprits avant de remettre le couvert pour les dernières semaines qui restent avant les vacances: j'étais sur le point, disons-le, de claquer un fusible. Et les retours que j'ai eu suite à mon écrit m'ont montré que la plupart des directeurs d'école de ce pays étaient dans le même état que moi.

Les cloches sont revenues. Je ne parle pas des syndicalistes qui s'excitent en ce moment (je suppose que les beaux jours vont voir refleurir d'ensoleillées manifs), mais bien du fait que les cloches sont restées muettes quelques jours et sonnaient ce matin joyeusement. J'ai eu une éducation religieuse, il m'en reste quelque chose. Mais curieusement, ce n'est pas la résurrection du Christ que nous fêtons en ce jour qui m'est venue en tête, mais le sacrifice d'Abraham.

Mais si, rappelez-vous! Même si vous êtes athée, vous devez connaître cet épisode fameux de l'ancien testament, dans lequel Abraham convaincu par Dieu de sacrifier son fils unique -qui ne l'était pas mais c'est une autre histoire- fut arrêté in extremis par la main d'un ange. Cet épisode épouvantable est symboliquement extrêmement important pour l'histoire des religions.

J'ai le cerveau qui fonctionne parfois bizarrement, et les analogies qui s'imposent à mon esprit sont parfois étranges. Me mettre dans la peau du sacrifié est somme toute logique, la direction d'école dans ce pays étant au plus mal. Mais imaginer M. Peillon, ministre de l’Éducation nationale, dans le rôle du sacrificateur, est peut-être plus osé.

Vincent Peillon prêt à sacrifier les directeurs d'école est retenu par la main du GDiD
(Musée virtuel de la Refondation - Paris)
Merci au Caravage pour le prêt involontaire...

De fait, l'image n'est pas non plus forcément mauvaise. Notre ministre semble sacrifier les directeurs d'école à l'idée qu'il s'est faite de ce ministère. M. Peillon, comme beaucoup d'autres, imagine que les agents de terrain, enseignants comme directeurs, sont d'horribles personnages sur lesquels on ne peut pas compter, qui ne font pas leur boulot, sont toujours en vacances et râlent pour un rien alors qu'ils sont surpayés et bénéficient de la sécurité de l'emploi. M. Peillon se replie, comme ses prédécesseurs, sur les hautes cimes d'un ministère aux effectifs bureaucratiques pléthoriques, et dédaigne avec condescendance les réels acteurs de l'école, ceux qui seraient pourtant les plus à même d'appliquer sur le terrain sa volonté d'évolution.

En bref, Vincent Peillon sacrifie les directeurs d'école sur l'autel de la Refondation.

C'est une fatale erreur. Les directeurs d'école sont les seuls qui puissent évidemment mettre en état de marche les divers changements que Monsieur le Ministre souhaite apporter à l'école primaire de la République, à commencer par les rythmes scolaires qu'il faudra bien organiser. Avec qui les municipalités discutent-elles donc de cette question? Certainement pas avec les IEN ou les DASEN, qui s'ils semblent avoir la haute main sur la question n'y pannent concrètement que couic et surtout n'ont pas l'oreille des élus, loin de là. Les Maires causent le bout de gras avec leurs directeurs d'école, c'est beaucoup et ce sera tout. Vouloir se passer des directeurs d'école, comme semble le faire notre ministre, est une idiotie totale. Alors certes un groupe de réflexion a été installé à la DGESCO, mais la mesure commence fâcheusement à prendre l'allure d'une fumisterie, d'un écran de fumée destiné à cacher le peu d'envie du gouvernement de donner à son école primaire les moyens d'être efficace, en donnant aux directeurs d'école un statut clair, différencié, responsable, reconnu juridiquement et administrativement, autonome et rémunéré à la hauteur de sa tâche. En ce sens, ce gouvernement ne diffère du précédent que par une fausse bonhomie qui ne vise qu'à égorger avec un sourire apitoyé le peu qui subsiste de l'école laïque et républicaine.

La question est: qui retiendra la main du ministre? Pour moi, ce ne peut-être que le GDiD, qui jusqu'à présent a réussi, et ce n'était pas rien, à imposer la question de la direction d'école à tous les acteurs politiques et syndicaux de notre pays; ce GDiD qui ne lâche et ne lâchera rien, ramenant constamment la question sur le devant de la scène. Le GDiD n'est pas une association de moutons que les politiques pourront tranquillement déguster avec des flageolets, et ne laissera pas les directeurs d'école être sacrifiés aux idées toutes faites sur l'école ou aux prétendus impératifs économiques.

Allez, joyeuses Pâques, mes agneaux...

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