dimanche 3 mars 2013

Les IEN ?


M. Pierre Frackowiak, Inspecteur honoraire de l’Éducation nationale, s'exprime souvent sur les méfaits et déséquilibres de ce ministère, et sur les missions des IEN, qu'il connait bien. Le voici qui exprime et qui met en débat dans les "Cahiers pédagogiques", sous le titre «Pas de refondation de l’école sans refondation de l’inspection», quelques réflexions qui rejoignent certains de mes billets, en particulier quand il évoque la monstrueuse pyramide de l’Éducation nationale. Mais il y a une différence entre M. Frackowiak et moi: celui-ci veut que les IEN accompagnent la ou les réformes, alors que moi j'aimerais autant qu'ils disparaissent tant la plupart d'entre eux sont incompétents et donc inutiles... Mais je rejoins M. Frackowiak sur son constat de la situation présente. Voici un extrait de son texte (les parties en gras sont de moi). Vous trouverez le texte intégral en cliquant ici.

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Au fonctionnement pyramidal classique ancien, avec ses tuyaux d’orgue et ses parapluies à chaque étage, avec les effets de zèle et les manœuvres d’auto protection de chaque catégorie professionnelle, avec comme seuls outils de commandement l’injonction et l’incantation, devra se substituer un modèle donnant toute leur place aux acteurs, à l’intelligence collective des partenaires dans et autour des établissements, reposant sur la confiance et la co-construction de tous les projets, sans attendre les ordres, les contrôles, les usines à cases, les instructions descendantes, les recommandations et les power points officiels.

(Dans le cadre de la refondation) Il est évident que les corps d’inspection ne pourront pas échapper aux révolutions attendues. Le pilote technocrate, «jeune» cadre dynamique, armé de son ordinateur, de ses courbes, grilles, tableaux, référentiels, feuilles de route préétablies, qui a oublié l’enfant et l’homme, en se prenant très au sérieux, devra laisser la place à un humain qui s’intéresse aux parcours des personnes, qui ne juge pas et ne sanctionne pas, qui essaie de comprendre les représentations des personnes, ce qui les pousse, les tire, déclenche des choix, et qui accompagne les changements de pratiques indispensables. Il ne s’agira plus de dire comment faire alors que l’on serait incapable de le faire soi-même, mais de rechercher uniquement le positif pour aider à la conscientisation des raisons des choix et à la compréhension des caractéristiques des modèles utilisés, pour favoriser la problématisation intelligente et la recherche partagée des évolutions possibles.

Il faudra reconnaître que cette vieille habitude de donner des conseils de moins en moins crédibles («cause toujours!») relève souvent d’une certaine malhonnêteté intellectuelle. «Monsieur P ou Madame Y pourrait, devrait, ne manquera pas, etc, etc» ces formules toujours faciles à égrainer du haut de sa fonction ne sont que des critiques en creux. Si Monsieur X ou Madame Y ne l’a pas fait, c’est qu’il ou elle a eu tort, et moi, chef, je sais comment il ou elle doit faire. On sait que les changements de pratiques sont très rarement provoqués par l’inspection. Les déclics nécessaires ne peuvent guère se produire dans un rapport de domination, de pouvoir. Ils se produisent au hasard de rencontres avec des collègues, avec un représentant de maison d’édition, avec un membre de RASED, avec un mouvement pédagogique… Ils ne peuvent se produire que si un fonds de formation professionnelle, d’information sur l’histoire de l’école, de culture pédagogique existe et si l’enthousiasme nécessaire au métier n’a pas été étouffé par le fonctionnement administratif de l’institution. D’où l’importance du dialogue ouvert non pas avec des hiérarques bardés de certitudes, mais avec des « ex-pairs experts » pour reprendre la formule de Philippe Meirieu, capables de comprendre, «d’expérimenter avec», de faire, d’accompagner les prises de conscience et les (une partie manquante).

Le fameux classique «je vais vous dire tout ce qui va. Vous êtes content(e)?» et le «et maintenant, je vais vous dire tout ce qui ne va pas» oubliant rapidement ce qui va et qui n’est qu’une mise en condition pour la démolition qui suit, est complètement obsolète. On sait depuis longtemps (exemple: les travaux de Victor Host à l’INRP au début des années 1980) qu’il ne sert à rien de dire à un enseignant qu’il parle trop, si on ne le connaît pas et si l’on ne recherche pas avec lui, en fonction de ses pratiques et non de nos certitudes, quelles stratégies il pourrait expérimenter pour que les élèves parlent plus.

Le pilotage par les résultats a encore aggravé le caractère infantilisant et désuet de ce type de pratiques. Il est dans la droite ligne de l’idéologie ultra libérale autoritaire. «Les courbes et les camemberts mettent clairement en évidence que les résultats dans votre classe sont nettement inférieurs aux moyennes du secteur, du département. Il faudra prendre toutes dispositions pour améliorer ces pourcentages l’année prochaine. Voici votre feuille de route!». Cette novlangue empruntée à l’industrie et à la finance a fait des ravages au cours de ces dernières années; elle prétend se justifier par les évaluations, alors que celles-ci n’en sont pas, il ne s’agit que de contrôle, que les critères sont contestables, que le fait de réduire les prétendues mesures aux maths et au français dans leurs aspects les plus mécaniques ne peut donner que de fausses images sur les compétences réelles des élèves. Elle cherche ses alibis dans la détection des fautes, des carences, des insuffisances avec la prétention affichée d’y remédier.
..."

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