dimanche 17 février 2013

L'immobilisme imposé...


Josette Théophile fut, sous le pontificat de Nicolas Sarkozy, DRH de l’Éducation nationale, fonction nouvelle à l'époque, signe frappant de la façon entrepreneuriale dont le gouvernement souhaitait diriger le ministère.

Elle a récemment signé dans Le Monde un article étonnant qui montre le fonctionnement sclérosé d'une institution qui a conservé des réflexes et des habitudes des XIXème et XXème siècles parfaitement hostiles à toute velléité de modernisation.

Je ne sais si, lorsqu'elle était DRH, Mme Théophile a montré autant d'empressement auprès de Luc Chatel pour dénoncer l'enlisement du système. Quelques discrètes déclarations de sa part, à l'époque, semble montrer qu'elle avait assez bien cerné les difficultés qu'elle avait à surmonter. Mais que faire contre un diplodocus de cette taille? Surtout lorsqu'on sait que la taille de l'animal arrange bien un certain nombre de hauts fonctionnaires qui vivent sur la bête.

Mme Théophile emploie aujourd'hui des mots terribles, mais justes, et dénonce l'aveuglement, en grande partie volontaire, des élites du ministère:

" L'institution, ainsi, rêve d'un monde spontanément vertueux. Mais quand le rêve ne se réalise pas, elle s'énerve et s'en prend aux enseignants, ce qui lui évite de se remettre en question.

Faute d'avoir donné au système les moyens de s'adapter, l'éducation nationale est aujourd'hui paralysée devant l'ampleur, l'imbrication et la complexité des changements nécessaires.

Les élèves en premier, les profs ensuite, paient cher le prix de ce manque continu de courage et de professionnalisme auquel l'opinion publique et le conservatisme des parents ne sont pas étrangers.

Chaque jour, sur le terrain, des équipes dynamiques font des prouesses ; mais aucune organisation ne peut améliorer durablement sa performance par la seule convergence des bonnes volontés ! "

Voilà qui est fort clairement dit, et rejoint ce que j'ai exposé ici dans plusieurs billets. Il va falloir couper la lourde tête de l'hydre si on veut un jour que la machine redémarre. Il va falloir donner aux agents de terrain -enseignants, directeurs d'école...- l'autonomie qui leur est nécessaire pour qu'ils puissent travailler efficacement au plus près des besoins de leurs élèves. Sinon l'idée que tout peut continuer à tomber du sommet de la pyramide enfoncera un peu plus encore l'école française.

Alors Monsieur le Ministre, vous avez une exceptionnelle opportunité. Ne cédez pas aux récriminations syndicales venues d'une extrême-gauche sur le sentier de la guerre, mais sachez écouter ce qu'elles recouvrent aussi de justes revendications de la part de nombreux agents quotidiennement confrontés à d'insurmontables difficultés. Soyez celui qui donnera aux directeurs d'écoles le statut qui leur nécessaire pour travailler dans la sérénité. La direction d'école, garante de la réussite des élèves, peut réaliser ce que vous souhaitez pour l'école de la République, à condition qu'on lui octroie enfin les moyens nécessaires à sa mission.

" Réformer n'est pourtant pas impossible. L'enjeu de réduire l'échec scolaire pour faire réussir tous les élèves étant à peu près partagé aujourd'hui, il faut avoir l'audace d'une réforme d'ensemble.

Définir les objectifs et, au lieu de rédiger sans fin des modes d'emploi sur la manière de les atteindre, distinguer les quelques principes en nombre restreint qui relèvent du national de ce qui relève du niveau régional ou de l'autonomie des établissements.

Aujourd'hui, l'éducation nationale est une institution à l'arrêt. Pour la délivrer de cet immobilisme imposé, l'administration doit se mettre au service des équipes qui sont en première ligne auprès des élèves, et le tout, de grâce, sans circulaires ! "

mercredi 13 février 2013

Le couvercle...


Je suis déprimé. Cédant aux vieilles lunes de la profession, les enseignants français étaient en partie hier en grève et pour beaucoup dans la rue, au nom de revendications obscures et différentes que je défie quiconque de comprendre. Ce qui bien été le cas pour les médias, lesquels donnaient chacun une version différente des raisons de cette mobilisation.

Pour les uns les protestataires refusent la réforme des rythmes scolaires, pour d'autres ils ne refusent pas la réforme mais son application en 2013, etc. Pas un quotidien n'affichait les mêmes titres que ses concurrents. Allez vous faire entendre de la population dans ces conditions!

Comme directeur d'école, je serais pourtant bien placé pour donner une version exhaustive des évènements. Mais les motivations des uns et des autres me sont tout aussi obscures que pour n'importe qui. Il y a ceux qui refusent la réforme. Fort bien, je peux l'admettre. Mais pourquoi? Depuis des années tout le monde râle contre la semaine de quatre jours, toujours au nom du "bien de l'enfant". Monsieur le ministre y met fin. Où est la logique? Il y a ceux qui dénoncent l'application du décret en 2013. Fort bien, je peux le comprendre. Mais le décret lui-même donne la possibilité aux municipalités de repousser son application en 2014! Pourquoi descendre dans la rue? Ne serait-il pas plus opportun de se manifester auprès du maire de sa commune d'exercice pour en discuter? D'autant que de nombreuses communes, pour des raisons budgétaires ou d'organisation, veulent elles-mêmes reporter l'application. Je ne comprends pas alors où veulent en venir les protestataires.

La grande perdante de toute cette opération est donc bien entendu, comme d'habitude, la profession dans son ensemble. Considérés par les français comme des "nantis", jalousés pour la garantie d'emploi des fonctionnaires et la durée des congés scolaires, les enseignants s'enfoncent un peu plus, peaufinant une image égoïste et catégorielle qui accentue une rupture pourtant depuis longtemps consommée avec le pays. Un sondage récent montrait que la population faisait en majorité confiance à ses professeurs. Je suis plus que dubitatif quant à cette image idyllique, et le nombre de candidats aux divers concours de la fonction publique enseignante irait plutôt dans mon sens. Nous sommes paupérisés, décriés, notre métier est devenu infernal... Qui voudrait de ça?

Qui sont alors les grands gagnants de cette grève incompréhensible? Les partis et syndicats d'extrême-gauche, bien entendu. Le travail est une chose précieuse. Alors que pour moi une grève est un moyen ultime -puisqu'il faut arrêter de travailler-, et le dernier recours face à la l'arbitraire, partis et syndicats trotskystes la considèrent comme un moyen de "lutte" normal et facile à coordonner. Ils n'ont pas tort, puisque ça marche. Cela leur permet de mobiliser leur électorat et de rassembler au-delà, surtout lorsque, comme on l'a vu mardi, les partis et les syndicats modérés s'engouffrent dans le piège qu'on leur a tendu, entraînés par une base qu'il ne veulent surtout pas laisser à la merci de groupuscules gauchistes. Il faut avouer qu'il leur est tellement difficile aujourd'hui de faire voter aux élections professionnelles, et surtout à leur profit, qu'ils n'ont pas vraiment le choix s'ils veulent que leurs cadres continuent à se goberger aux frais de la société sur les deniers publics.

Nous avons donc assisté à une grève incompréhensible et, comme toute grève enseignante digne de ce nom, parfaitement inefficace. Je devrais même dire que cette grève fut totalement absurde. Ubu est redevenu Roi, s'il a jamais été détrôné.

Ce qui m'assomme et me déprime, dans toute cette histoire que j'espère anecdotique, c'est que les revendications justes que pourraient porter les enseignants sont passées à la trappe. Je les ai longuement évoquées ici à longueur de billet, mais je vais rappeler les principales pour mémoire:

- changer les rythmes scolaires;
- nettoyer les programmes;
- revaloriser les enseignants du primaire;
- décentraliser l’Éducation nationale au profit des écoles;
- donner un statut fonctionnel aux directeurs d'école.

La première est en route. Dont acte. La seconde et la troisième font partie de la Loi d'orientation dont l'élaboration n'est pas encore bouclée. M. Peillon s'y est engagé. Le nettoyage des programmes était une urgence, mais on peut admettre qu'après plusieurs moutures politisées ces dernières années il soit préférable que Monsieur le ministre prenne son temps. Pour ce qui concerne la revalorisation, la première étape envisagée par M. Peillon est fort logiquement de mettre fin à la dichotomie existante entre enseignants du primaire et enseignants du secondaire, qui pouvait être justifiée quand les instituteurs étaient formés à l’École normale après leur baccalauréat, alors que les professeurs passaient un concours difficile au niveau de la licence, mais qui aujourd'hui n'a plus lieu d'être quand les professeurs du primaire ont le même niveau d'études que leurs collègues du collège ou du lycée -j'exclus l'agrégation-.

La décentralisation, quatrième mesure, je n'y crois hélas pas. On ne met pas fin d'un coup de cuillère à pot à 150 ans d'école jacobine. C'est fort dommage. Les enfants de France gagneraient beaucoup, et nos résultats aux tests internationaux aussi, à ce que l'enseignement qui est dispensé dans nos écoles le soit au plus près de l'intérêt de nos élèves.

Quant à la cinquième mesure, celle qui concerne la direction d'école... Je ne désespère pas, le groupe de travail de la DGESCO est en train de faire son boulot, le Sénat s'intéresse fortement à la question, M. Peillon a fort bien cerné le problème, certaines centrales syndicales persistent à évoquer la question, le GDiD ne lâche rien... Même les IEN réunis il y a quelques jours à l'Université d'Assas en ont parlé. Comme quoi il est aujourd'hui devenu évident pour tous les acteurs du système qu'on ne pourra pas arriver à grand-chose dans une "refondation" voulue et proclamée sans que les directeurs d'école en soient partie prenante.

Mais les syndicats d'extrême-gauche ont tout de même réussi à poser, sur cette question et d'autres dont ils refusent la seule évocation ("Ni Dieu ni maître!"), un fort joli couvercle, superbement ouvragé, tricoté avec amour. Ce couvercle ne sera-t-il qu'un feu de paille? (Seigneur,quelle image! J'ai honte.) Espérons-le. Espérons que les directeurs d'école de ce pays, comme les centaines de milliers d'enseignants qui n'étaient pas en grève mardi dernier, ne paieront pas le prix d'un amalgame désastreux pour notre image et celle de l'école. Espérons que nous ne serons pas assimilés aux démolisseurs qui préfèrent un statu-quo nauséabond à une évolution logique et à mon sens inévitable. Les directeurs d'école de ce pays veulent le bien et cherchent l'intérêt de leurs élèves, seul un statut différencié et fonctionnel, juridiquement clair, reconnu financièrement et administrativement, peut les aider à remplir au mieux leur difficile mission.

dimanche 10 février 2013

Un appel à la cohésion...


Nous autres, directeurs et directrices d'école, vivons actuellement une période difficile. Les appels à la grève, les réticences plus ou moins fortement exprimées quant au changement des rythmes scolaires, les difficultés à se faire entendre de certaines municipalités, ou les revendications salariales, et j'en oublie certainement, mettent à mal notre conscience d'enseignant. Car nous sommes d'abord enseignants, bien entendu. Toute cette atmosphère pesante que nous vivons actuellement est certainement compliquée à vivre pour beaucoup d'entre nous.

Néanmoins, nous ne devons pas oublier qu'un problème majeur du système éducatif public français est la place particulière des directeurs d'école du primaire. Notre situation ne s'améliore pas, elle aurait même plutôt tendance à quotidiennement se compliquer. Sans existence juridique, sans le temps nécessaire à notre travail, sans reconnaissance institutionnelle ni salariale, nous ne pouvons pas exercer notre mission dans la sérénité, ni comme nous le souhaiterions. Nous sommes quotidiennement contraints à faire des choix parfois frustrants, ou à renoncer à des actes que nous aurions aimé accomplir pour le bien-être et la réussite des élèves de nos écoles.

Notre absence de statut reste un point fondamental à mes yeux pour une véritable "refondation" de l'école primaire publique. Directeur d'école je suis, directeur d'école je voudrais rester, mais en ayant enfin les moyens de ma mission.

C'est pourquoi je fais un appel à la cohésion des directeurs d'école sur ce sujet. Même si d'autres questions ou d'autres revendications, aussi importantes soient-elles à nos yeux, sont actuellement en débat dans nos écoles, nous ne devons surtout pas perdre de vue la question primordiale de la direction d'école. Des discussions doivent s'ouvrir avec le ministère de l’Éducation nationale; un groupe de travail a été formé à la DGESCO à notre sujet; le GDiD n'a pas chômé ces dernières semaines en travaillant tous azimuts avec divers syndicats et associations qui nous soutiennent et avec lesquels nos rapports sont étroits.

Ne nous laissons pas distraire de notre objectif: nous voulons un statut clair et précis pour tous les directeurs d'école de France, primaire, maternelle ou élémentaire, métropolitaine ou d'outre-mer.

Nous avons toujours besoin de votre soutien. Vous avez été nombreux à nous rejoindre ces dernières semaines. Vous devez être tout aussi nombreux à le faire dans les jours qui viennent, car plus nous serons, plus nous serons forts dans les discussions qui s'annoncent. La cotisation au GDiD ne coûte que 20 € pour l'année scolaire. Nous sommes tous plus ou moins financièrement dans la gêne, mais ces 20 € ne sont pas grand chose face au défi qui nous motive et que nous devons affronter avec toutes nos forces. Les membres du bureau de l'association donnent énormément de temps et d'énergie pour notre cause commune, ils le font bénévolement. Mais les déplacements à Paris, le site du GDiD, les rencontres avec les centrales syndicales et d'autres interlocuteurs coûtent cher. Rejoignez-vous pour cette dernière ligne droite! Nous n'avons jamais été aussi prêts du but. Merci.

samedi 9 février 2013

Le dirlo en a plein le dos !


Dieu que la période est difficile!

Avec le temps désagréable qui est le nôtre depuis des mois, la fatigue se fait cruellement sentir. D'autant que les enfants sont infernaux , et quand on en a trente de quatre et cinq ans je peux vous garantir que ce n'est pas tous les jours de la tarte! C'est bruyant, trente loupiots de cet âge, même quand ils sont sages. Pas de décharge, bien sûr, alors la direction d'école quand arrive 17 heures, pffff... J'ai plus envie -ou besoin- d'aller me coucher qu'autre chose.

- Un certificat de scolarité? Bien sûr Madame, pas de souci, je vous fais passer ça ce soir.

Je me plains, mais je les trouve bien mignons quand même, mes petits monstres. Leur sourire, leurs yeux qui pétillent, quand je les félicite d'un travail réussi, ou d'un effort flagrant, vaut encore beaucoup à mes yeux, et me remonte souvent le moral. Et puis nous passons tout de même six heures ensemble presque chaque jour, ne me faites pas croire que cela ne crée pas de lien particulier. Combien de fois dans la journée l'une ou l'un d'entre eux m'appelle-t-il "papa" ? De quoi rendre jaloux tout géniteur normalement constitué. Et combien de rires partagés? Ou de peines à consoler?

- Oui, Monsieur le Maire, je vous envoie le bon de commande dès que j'ai deux minutes.

Le problème, en fait, c'est vraiment d'être aussi le directeur de l'école. Tombé là-dedans un peu par hasard, un peu par envie, je continue par habitude, parce que je sais faire, et que tout le monde attend de moi que ça ne s'arrête pas. Cela fait combien aujourd'hui? Douze, treize ans, je ne compte plus. Mon ancienneté de service non plus, je ne la sais jamais, je suis toujours obligé de calculer: trente-trois ou trente quatre ans? Trente-quatre années à entendre tout et n'importe quoi au sujet de mon boulot, dans la rue, à la télé, et même en formation continue ou de la bouche d'Inspecteurs dont bien peu au cours de ma carrière m'ont montré qu'ils avaient quelque compétence.

- Oui, Madame l'Inspectrice, je vérifierai les renseignements de ces élèves sur BE1D dès les enfants rentrés chez eux.

Atchi! En plus, je suis enrhumé, à la limite de la bronchite. Je ne me plains pas, j'ai pour l'instant échappé à la grippe qui me prive quotidiennement d'un élève, jamais le même, pratique pour rattraper le boulot qu'ils n'ont pas fait. C'est bien le souci d'avoir une progression logique! En revanche, je n'avais pas coupé à la gastro... J'étais venu travailler quand même pour ne pas léser ma propre collègue toute seule qui se serait réveillée ce matin-là avec soixante élèves... ou au moins quarante-cinq, parce que les quinze de ma classe qui mangent à la cantine seraient restés à l'école. Pas simple de répartir des élèves dans ces conditions.

- Comment ça, mon DDEN n'est pas connu de vos services? Qu'est-ce que vous voulez que j'y fasse? Bon, je vous envoie par courriel ses coordonnées.

J'admets qu'être directeur d'école n'a dans ma position que peu d'avantages... euh, aucun avantage, en fait, que des inconvénients! Je ne comprends pas vraiment pourquoi je persiste. L'idée que les choses vont s'arranger pour nous, peut-être. C'est bien pour ça que je suis entré au GDiD. Je me dis que mon investissement permettra à ceux qui viendront après moi de ne pas connaître cette mouise persistante ni cette course permanente entre classe et élèves, bureau, Mairie, inspection...

- Monique est au dortoir avec les petits? Bon, je viendrai t'essuyer les fesses dans cinq minutes...

J'avoue aussi que l'ambiance actuelle me déplait. Tous ces instits en grève ou pas en grève, tous les syndicats qui défouraillent au petit bonheur la chance sur tout et n'importe quoi, chacun dans son coin, tous les collègues qui ne comprennent rien à ce qui se passe et croient tout ce qu'on leur raconte, tous les médias qui en rajoutent dans la surenchère... Déjà que les enseignants ont une image pourrie, je ne vous dis pas dans quelques semaines -"toujours en vacances, ma chère!"... Tout cette excitation inutile me fatigue.

- ON SONNE A LA GRILLE! Bon, personne n'est dispo... C'est Léana qui revient d'orthophonie. J'Y VAIS!

Ben oui, un décret est un décret! Un enseignant n'est qu'un petit fonctionnaire, le dirlo aussi, il obéit à un décret, et n'a rien à en dire. D'autant que ce décret me convient, mes gosses ne seront peut-être pas comme d'habitude excités le jeudi matin, et peut-être pas exténués comme ils le sont aujourd'hui en fin de journée. Quand je pense qu'un ministre soi-disant bien intentionné leur filait en plus quarante-cinq minutes d'aide personnalisée... Et ça, c'est une merde, disons le mot, qui disparait enfin. Ouf!

- Il faut changer le toner? Le mode d'emploi est... Flûte, j'y vais!

Cela me fait penser que le ministère, cette semaine, m'a bien fait rire. Cette grand-messe organisée pour les IEN afin qu'ils dispensent la bonne parole auprès des municipalités est à se rouler par-terre! Si ces gens savaient à quel point les Maires s'en tamponnent, des IEN. Forcément: dans les grandes agglomérations les Inspecteurs de l’Éducation Nationale ne sont que de minuscules fonctionnaires dont les rapports avec la Mairie frôlent le néant -alors que les Directeurs de l’Éducation ont affaire avec la Direction d'école-; et dans les petites villes ou les villages c'est avec les Directeurs d'école que les Maires discutent quasi quotidiennement, quand ils ne tapent pas ensemble la belote à l'heure de l'apéro. Alors un Maire écoutera -presque- toujours avec intérêt le directeur de SON école, alors que les borborygmes d'un IEN resteront ignorés. On le voit en ce moment, c'est flagrant, avec le choix à faire entre 2013 et 2014 pour le changement des rythmes scolaires. Je ne suis pas surpris que le ministère ne l'ait pas envisagé une seule seconde, en bonne administration sclérosée, jacobine et centralisatrice. Il serait temps que la décentralisation entamée il y a trente ans avec Gaston Defferre devienne enfin dans les territoires de notre Nation une réalité concrète. En attendant, c'est mon avis à moi, et celui de ma collègue de souffrance en élémentaire, que le Maire a voulu connaître.

- Allo? Dites, la cour de récré est glissante... Vous envoyez quelqu'un mettre du sel? Merci!

Normalement, les discussions sur la question de la Direction d'école devraient commencer... auraient dû commencer... M. Peillon respectera-t-il sa parole? Il l'avait dit, que le ministère travaillerait là-dessus au premier trimestre 2013, à la demande générale d'ailleurs, la situation intenable des directeurs d'école est au centre de toutes les revendications sérieuses d'où qu'elles viennent, chercheurs, professionnels, politiques, administrations des villes, praticiens de tous bords, syndicats -quelques réserves évidemment sur ceux d'extrême-gauche, qui attendent le Grand Soir-... Si M. Peillon avait attaqué ce problème bille en tête dès septembre dernier, y aurait-il présentement un tel chambard dans les écoles? Je me pose la question. Tout de même, un indice encourageant a surgi récemment, avec l'installation à la DGESCO d'un groupe de travail "valorisation et missions du directeur d’école". Nous sommes donc sur la bonne voie. Mais avec la présente fatigue qui est la mienne je ne peux que ressentir une certaine impatience. Allons, je dois être raisonnable.

- Oui Madame, votre fille a trente-neuf de fièvre, elle vomit partout, elle ne peut rester à l'école. A tout de suite.

Tout ceci écrit, j'en ai quand même plein le dos. Je sais bien qu'après deux semaines de vacances je serai tout content de retrouver mes trente bruyants et agités bambins, je sais aussi que j'irai la fleur au fusil participer aux multiples réunions qui s'annoncent pour moi en mars et en avril. Mais pffff... d'ici là... Zou! Un bon bouquin, ou un DVD tiens, pourquoi pas? Rhum-coca, ou Gin-orange, pour tuer les bactéries? Bonne soirée, bonne nuit!

mercredi 6 février 2013

Le Directeur d'école de demain...


Le fonctionnement pyramidal de l’Éducation nationale en France n'a jamais autant montré ses limites qu'aujourd'hui. Hérité du XIXème siècle, où un centralisme fort était nécessaire pour fédérer le pays autour de valeurs républicaines communes -surtout après une guerre de 1870 perdue et traumatisante-, ce prototype est aujourd'hui battu en brèche par la décentralisation. D'aucuns regretteront leurs illusions perdues du "tout État", qui s'échappent avec le "grand soir" et autres utopies égalitaires qui ont surtout largement démontré leur corollaire d'écrasement de l'individu au nom du bien de la collectivité. Mais la décentralisation est nécessaire à une époque où les distances de toutes sortes s'amoindrissent, et où le fédéralisme comme la gestion déconcentrée sont des réalités quotidiennes adaptées aux besoins des populations. L'Europe ou la France des régions ne sont plus des utopies, ou des résidus d'ancien régime, mais bel et bien le modèle futur du fonctionnement des états s'ils ont la volonté de persister au cours du présent siècle comme des suivants.

Malheureusement, si dans la réflexion le besoin de décentralisation s'impose, dans les faits l'abandon par l’État de certaines prérogatives d'ordre national ne se fait que difficilement, et dans la douleur. L'accouchement est difficile pour des hommes politiques ou une caste de hauts fonctionnaires qui ont été élevés dans l'idée qu'il était aujourd'hui comme avant nécessaire de concentrer tous les pouvoirs aux mains de quelques hommes regroupés dans la capitale. Mais comme Paris n'est pas la France, comme la France n'est pas l'Europe, l’État français n'est pas la Nation.

On en a vu l'illustration flagrante ces jours derniers, où une réforme somme toute minime du fonctionnement des écoles primaires publiques a mis d'un coup tout le pays en émoi. Le Ministre de l’Éducation nationale a décidé de changer les "rythmes scolaires", ce qui d'une part était nécessaire et réclamé depuis des lustres, ce qui de plus était attendu et annoncé depuis des mois voire des années, et qui enfin était préparé avec de nombreux interlocuteurs depuis de nombreuses semaines.

Mais Monsieur le Ministre n'a pas réellement envisagé tout l'impact de sa décision: impact aux niveau des personnels concernés, impact au niveau du fonctionnement des communes, et impact financier. Ce qui est désastreux quand on pense que la réforme en question n'a rien de réellement compliqué, et qu'elle sera certainement en partie bénéfique pour les premiers concernés, c'est à dire les élèves.

Comment le Ministre en est-il arrivé, en dépit d'une volonté consensuelle de changement et d'un capital élevé de sympathie, à mettre des milliers d'enseignants dans les rues et la totalité des municipalités françaises dans l'embarras? Tout simplement d'une part en oubliant que si aujourd'hui l’État impose un changement dans les territoires, ce sont ces mêmes territoires qui maîtrisent le nerf de la guerre, c'est à dire l'argent: dans le cas qui nous occupe, ce sont les communes qui vont payer de leurs deniers les fameuses activités périscolaires complémentaires de l'enseignement scolaire -quand elles le pourront!-, et ce sont les départements qui vont régler la facture du transport scolaire dans un pays où nombreux sont les élèves qui n'habitent pas près de leur école. Tout simplement d'autre part en oubliant que ce sont les agents de terrain, enseignants et directeurs d'école, qui vont devoir organiser et gérer quotidiennement de nouveaux fonctionnements, apporter de profonds changements à leur emploi du temps hebdomadaire, au fonctionnement de leur école, comme à leur propre organisation familiale.

Monsieur le Ministre n'a pas consulté les agents de terrain. Il a certes discuté avec les syndicats, mais ceux-ci sont aujourd'hui si éloignés de leur base, si divisés entre eux, si partagés entre leurs convictions politiques et leur appréhension erronée du fonctionnement des écoles, que rien de clair ni de positif ne pouvait assurément en sortir. Ajoutons à cela les avis contradictoires des représentants de la société civiles, des associations de parents d'élèves, des représentants du tourisme ou des organismes territoriaux, ou...

On aurait pu imaginer le Ministre interrogeant les directeurs d'école quant aux difficultés que cette réforme allait entraîner. Sur ce point, nous aurions certainement tous apporté les mêmes réponses. Mais ceci n'est pas dans la culture de l’État français. Il faut rappeler que les directeurs d'école dans ce pays ne sont rien, qu'ils ne sont que des enseignants "comme les autres" qui ont à leur grand dam accepté une mission difficile pour laquelle ils n'ont ni reconnaissance ni statut ni salaire. Je suis persuadé que l'idée même de leur poser la question n'est venue à l'idée de personne dans la hiérarchie ministérielle tellement l'idée leur aurait semblé ridicule. Et pourtant...

Quelle est donc cette pyramide inefficace? J'en ai fait un schéma rapide que voici (cliquez sur l'image pour l'agrandir):


Un petit détail qui m'a amusé en faisant cette illustration, c'est que j'ai mis en bas de la pyramide qutre silhouettes féminines pour une silhouette masculine, histoire de rappeler qu'il y a dans l'enseignement 83% de femmes. Qui parle de parité? Il y aurait beaucoup à dire sur ce fait, quand on sait que traditionnellement la féminisation à outrance d'un métier montre le peu de cas fait de cet apostolat mal payé. Mais ce n'est pas le propos de ce billet.

Dans l’Éducation nationale, tout part du sommet, au travers d'une profusion inégalée de fonctionnaires qui n'ont aucun contact avec les enfants de ce pays. Il faut savoir que dans ce ministère il y a un fonctionnaire de bureau pour quatre enseignants sur le terrain... Oui, 20%. Voilà une proportion que je défie quiconque d'égaler. J'ai déjà expliqué sur ce blog que chaque fonctionnaire inutile se doit de pondre les pires âneries pour justifier son existence. J'ajouterai donc que l'efficacité du ministère est depuis longtemps maintenant inversement proportionnelle aux nombre de ses administrateurs, le rendement d'une administration ayant comme l'impôt une courbe en cloche:


J'ai marqué sur le schéma, avec un point vert, l'emplacement de l’Éducation nationale, qui doit être le même que celui du rendement de l'impôt en France aujourd'hui. On sait que l'imposition doit diminuer, on sait moins qu'il faudrait supprimer de nombreux administratifs de ce ministère de l’Éducation nationale aux effectifs pléthoriques -et pas supprimer des enseignants comme le faisait avec un aveuglement frappant le précédent gouvernement-.

On pourrait donc avec profit, sans compter un certain nombre de très hauts fonctionnaires, supprimer aux moins deux étages de la pyramide. Lesquels? Celui des IEN et celui des DASEN brillent par leur inefficacité, qu'ils ont largement démontrée ces dix dernières années. Au profit de qui? Mais de la direction d'école, pardi! Pourquoi? Mais parce que ce sont les directeurs d'école qui gèrent quotidiennement le fonctionnement de terrain du système scolaire public, et qu'un rapport direct entre un Recteur et un directeur d'école statutairement reconnu accélérerait d'autant des prises de décision qui aujourd'hui stagnent et pourrissent dans les méandres nauséabonds d'une administration inefficace. Je souhaite bon courage à quiconque qui aujourd'hui désirerait escalader un ou deux étages de la mastaba institutionnelle pour faire connaître un souci ou une idée... L'innovation est tuée dans l'oeuf, les pratiques d'enseignement efficaces ou ingénieuses ignorées, les problèmes et questions pratiques qui se posent aux enseignants et à la direction d'école tout bonnement occultés. Oserai-je évoquer les obstacles continuellement posés en travers de la route des directeurs d'école par des IEN qui croient que leur utilité se mesure à la dimension de leurs vociférations ou de leurs lubies?

Le directeur d'école de demain est statutairement reconnu. Sa signature a une valeur juridique d'engagement de l'institution scolaire, responsabilité lourde dont il est dépositaire à bon escient et avec responsabilité. Sa parole a un poids reconnu par ses partenaires, qu'ils soient payeurs comme la commune ou prescripteurs comme le Rectorat ou l’administration centrale, qu'il s'agisse des principaux de collège, des responsables associatifs, des Directeurs de l'enseignement des villes, des sociétés d'assurance mutuelles ou non, et de la Justice...

Le directeur d'école de demain n'a qu'un seul objectif: il s'engage pour la réussite de tous les élèves de son école ou son regroupement. Il est dégagé de toute obligation d'enseignement mais peut s'il le désire encadrer des élèves.

Le directeur d'école de demain est rémunéré à hauteur de son travail et de sa responsabilité. Il est assisté du personnel qui lui est nécessaire en fonction de la taille de son école.

Le directeur d'école de demain, enfin, a d'emblée- sans avoir besoin de rendre continuellement des comptes- la confiance de son institution. Seule compte la réussite des élèves dont il a pris la responsabilité. Pour ce faire, il a la maîtrise totale des temps et des projets de son école.

Gageons que demain, avec des directeurs d'école reconnus, la France aura regagné quelques places dans les études comparatives internationales.