samedi 5 avril 2014

Directeur d'école irrité...


Irrité, oui... En colère, furieux... Mécontent. Pour trois raisons.

D'abord j'ai vécu une semaine de travail épouvantable. Entre changement d'heure et arrivée du printemps, mes élèves étaient dans un état déplorable, incapables de se concentrer, bavards et excités, trente petits vampires de cinq ans qui ont sucé mon énergie heure après heure de lundi 8h30 jusqu'à vendredi soir. Cela fait partie du métier, évidemment. Mais comment concilier la nécessaire totale disponibilité de l'enseignant dans ce cas là avec la mission difficile du directeur d'école sans décharge? J'avais bien entendu en plus une semaine chargée, avec Équipe de Suivi de Scolarisation, Équipe Éducative, etc... J'ai quitté l'école vendredi soir dans un état d'épuisement rare. J'étais cuit, et j'ai traîné la patte jusqu'à ma voiture, pour rentrer chez moi boire une bière en me demandant combien de semaines, de mois, d'années, je devrais encore vivre cette situation absurde.

Une autre bonne raison d'être irrité, c'est l'affaire Jacques Risso. J'en ai abondamment parlé, je ne reviendrai pas sur la façon dont une administration toute puissante peut tenter de briser un homme, ni sur la façon dont des supérieurs hiérarchiques sensés rester proches du terrain mais imbus d'eux-mêmes peuvent en toute impunité exercer sur un agent expérimenté et sans reproche les pressions les plus ignobles, en cultivant le mensonge et les pratiques illégales. Cette affaire Risso devait être terminée, un accord avait été passé avec l'administration, un modus vivendi avait été trouvé. Non seulement l'institution ne respecte pas sa parole, pourtant publique puisque donnée devant des représentants syndicaux, en refusant de purger le dossier de Jacques Risso de documents litigieux qui devaient être jetés à la poubelle, mais voilà que le syndicat FO qui jusqu'à présent défendait Jacques bec et ongles fait désormais tout pour que l'affaire traîne un maximum. Effectivement, ce syndicat tente de gouverner le collectif qui s'était bâti autour de Jacques pour lui enlever son autonomie, lui supprimer possibilités de parole et d'action. On imagine facilement que, les élections professionnelles approchant à grands pas, FO veuille garder sous le coude des munitions pour se faire de la publicité. Mais au prix du règlement définitif d'une histoire lamentable qui n'a déjà que beaucoup trop duré?

La troisième bonne raison de ma colère, c'est le débarquement lamentable de Vincent Peillon. Ah ils peuvent être contents les quelques collègues imbéciles qui n'ont cessé de réclamer son départ pour les raisons les plus égoïstes! C'est le magazine L'Express qui exprime le plus clairement la façon minable dont a été viré le seul ministre de l’Éducation nationale qui depuis Lionel Jospin il y a plus de vingt ans ait réellement tenté de réformer cette monstrueuse institution qui reste le premier employeur d'Europe. Aujourd'hui tous les médias viennent nous raconter à longueur d'articles à quel point Vincent Peillon a été un bon ministre. Que ne l'ont-ils écrit avant? Certes Vincent Peillon fut plusieurs fois maladroit, certes sa déclaration d'intention de se présenter aux européennes fut une erreur. Je n'ai pas épargné cet homme sur ce blog. Mais j'ai aussi vu et dit ses tentatives réelles de nettoyer le diplodocus, comme sa volonté claire d'avancer sur de nombreux dossiers laissés en souffrance depuis deux décennies par ses prédécesseurs, celui de la direction d'école en tête évidemment. Alors comment accepter la façon dont un Président de la République castrateur lui a plusieurs fois savonné la planche, en commençant par l'annonce stupide de ces fameux 60000 postes, puis en annonçant lâchement le recul d'un an de l'application obligatoire des nouveaux rythmes scolaires. Joli cadeau fait à la droite française, qui s'en est emparé à cœur joie! L'Express l'exprime fort bien:

"... l'Elysée a saboté la réforme portée par son ministre. Et ne lui a laissé aucune chance. La droite s'est engouffrée dans la brèche, en faisant de Peillon sa cible. La loi sur la réfondation de l'école républicaine? Un texte amputé de ses mesures plus fortes, sous la pression du Snes. Insuffisant pour frapper l'opinion. Au fond Vincent Peillon aura réparé les blessures du sarkozysme: il a rétabli la formation des enseignants, lancé les écoles supérieures du professorat, et toiletté prudemment les décrets de 1950 sur le statut des profs, ce que la droite n'avait osé faire."

J'ai souhaité dans mon précédent billet la bienvenue à M. Hamon, notre nouveau ministre. Il semblerait que celui-ci, selon la volonté de notre nouveau Premier Ministre, veuille continuer l’œuvre de son prédécesseur et boucler de nombreux dossiers qui étaient sur le point d'être réglés -ce que prouverait d'ailleurs le maintien au Ministère d'une grande partie de l'équipe de M. Peillon, à commencer par M. Lejeune, adjoint au Directeur de cabinet-. Tant mieux. On ne change pas les chevaux au milieu du gué. Mais je n'en ai pas moins un fort ressentiment, en particulier contre les minables "gilets jaunes" qui viennent d'ailleurs de se saborder eux-mêmes avec force règlements de comptes, et contre M. Ayrault ou le Président de la République qui n'ont pas su -ou pas voulu- accompagner le vrai réformateur qu'était M. Peillon. Pour convenances politiques, pour ne fâcher personne, pour gouverner de façon "normale"... Comme si l'état de la Nation réclamait un Président ou un gouvernement "normal"! Deux années perdues, deux années gâchées. Car tant que les textes en gestation n'ont pas paru, rien ne change, rien n'a changé, et moi sur le terrain comme la majorité de mes collègues directeurs d'école ou enseignants je continue à souffrir quotidiennement de l'absurdité du système.

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