mercredi 11 juin 2014

Les boulets...


Dans un article récent de L'Express.fr sur l’Éducation nationale et son récent ministre, Caroline Missir s'interrogeait "sur la capacité de ce ministère à produire du consensus, et à se défaire des pesanteurs de toutes sortes, administratives, syndicales ou politiques."

Mme Missir est bien gentille lorsqu'elle parle de "pesanteurs". Ce sont de véritables boulets, attachés avec force chaînes aux pieds de l’Éducation nationale, qui en entravent la marche. Au point qu'on peut légitimement aujourd'hui se demander s'il sera un jour possible de repartir de l'avant.

Les boulets administratifs sont la pléthore d'organes, bureaux, directions et conseils divers qui prétendent tous mener la danse sans connaître la cadence. Ces braves gens qui ne veulent que le bien d'autrui sont fort éloignés des préoccupations réelles du terrain, quand ils les ont seulement un jour connues. Pire, tous ces gens là imbus de leur compétence méprisent les autres et n'ont de cesse de se tirer dans les pattes, jusqu'à une mort virtuelle qui fait de nombreuses victimes: Bruno Julliard, Jean-Paul Delahaye, Alain Boissinot... Nous sommes au nirvana de la gestion sociale-démocrate d'un État, quand seul l'immobilisme et le statu-quo restent possibles. On ne peut pas dire que M. Hamon ait la tâche facile, mais on peut supposer également que de toute façon c'est son propre CV qui motive notre ministre, car que serait une carrière politique sans l'ombre d'un portefeuille ministériel? Bref, dans un tel contexte, pour espérer une nouveauté il faut avoir l'optimisme chevillé au corps.

Les boulets syndicaux sont bien connus, je n'ai de cesse ici de les dénoncer. Pour deux centrales réformatrices comme le SE ou le SGEN qui ne peuvent se satisfaire de la déliquescence du système, nous avons un SNUipp qui tente maladroitement quelques entrechats, et des syndicats que je préfère m'abstenir de nommer, arc-boutés sur un "non" définitif et péremptoire quoi qu'on leur propose, décidés à rester dans le refus total de tout tant ils n'ont rien à proposer sinon la conservation de leurs privilèges et la conservation de leurs illusions post-communistes. Je n'évoque bien entendu ici que les syndicats du primaire, ceux du secondaire vivant dans un monde fantasmé et ignorant superbement ce qui peut bien se passer dans le bas-monde des écoles.

Les boulets politiques sont ceux des illusions, du bien-être collectif imposé, de la bien-pensance programmée, de la morale janséniste étriquée, qui se heurtent quotidiennement à la réalité. Nos gouvernants s'étonnent d'être si peu considérés, alors qu'ils ne savent que faire l'inverse de ce qu'ils devraient faire, avec en plus une lenteur exaspérante ponctuée de discours sans queue ni tête. Nous avons élu à la tête de l’État un petit fonctionnaire, nous réglons aujourd'hui la facture. Mais les autres n'auraient pas fait mieux, n'ont auparavant pas fait mieux. Et puis toutes ces petites gens sont enlisées dans leurs ambitions démesurées, leur volonté exacerbée de pouvoir, leur besoin de forniquer à droite et à gauche sans mesure comme de compléter leur fortune personnelle à grands coups de fausses factures et de piochages dans les caisses. Bref, encore une fois je l'écris, la 5ème république a vécu, elle vit ses derniers instants dans une agonie douloureuse dont chaque français paye le prix.

C'est évidemment sur le terrain que nous autres enseignants subissons les contrecoups de l'enchaînement du néant. Notre école reste absurde, et malgré tous nos efforts pour épargner nos élèves elle reste aussi voire devient chaque jour plus porteuse d’inéquité. Depuis des lustres nos gouvernements successifs proclament lutter contre ce qu'ils appellent "l'inégalité" à grand renfort de discours enflammés qui pour nous se traduisent par plus de boulot encore plus de boulot toujours plus de boulot. Pour un résultat toujours plus négatif aussi. C'est fou à quel point une administratisation plus poussée peut produire l'effet inverse de ce qu'elle est sensée faire!

Un collègue directeur d'école vient sur Facebook de faire le compte des pages inutiles qu'il a à remplir pour ses CM2 (et pour le bien-être de ses élèves si on en croit la pyramide institutionnelle), c'est édifiant. Je le cite:

Résumons : 
LPC 8 pages
B2i 2 pages
APS 1 page
APER 1 page
Natation 1 page
Niveau A1 2 pages
Soit un total de 15 pages par minot x 33 gamins = 495 pages J'espère que nos syndicats vont militer pour une brouette de fonction...

Tout ça, comme le rappelle une collègue dans les commentaires, pour "finir dans la poubelle du collège". C'est-y pas mignon? Et M. L*** n'évoque pas le pur bonheur que fut pour lui de remplir Affelnet pour le passage en 6ème de ses minots, longues heures évanouies au plus grand profit de principaux de collège équipés eux d'un secrétariat, longues heures perdues quand on sait que les principaux de toute façon n'en ont rien à taper et n'auront de cesse de mettre en doute le professionnalisme des directeurs du primaire (j'ai des exemples précis de ce rapport à Affelnet, je les garde sous le coude pour ne gêner personne).

Que de temps perdu...Que d'énergie gâchée... Que d'efforts inutiles... Nos élèves ne méritent pas ça, nous préfèrerions tous, directeurs ou enseignants, pouvoir consacrer plus à leur réussite. Mais comment faire? Ce ne sont plus des bâtons que tous nous mettent dans les roues, ce sont des troncs d'arbres! Et en plus ils s'entretuent. Allons Mesdames, Messieurs, un peu de tenue! Je vous rappelle que douze millions d'élèves et huit cent mille enseignants espèrent un peu plus que vous en l'avenir de l'école, qui reste pour chacun le moyen de s'élever, de gagner sa vie, de devenir un citoyen responsable. Si vous regrettez les bulletins qu'aujourd'hui les français mettent dans les urnes, c'est à vous-mêmes que vous devez le reprocher. Alors allez-y, réformez l'école, n'attendez ni espérez aucune reconnaissance, faites-le pour le bien public et celui de la Nation, l'histoire saura vous le reconnaître. Et commencez donc par les directeurs d'école, tiens, laissez-les donc choisir ce qui convient le mieux à leur école et surtout à leurs élèves, dont nous n'avons en tête concrètement qu'une chose: leur réussite scolaire et leur avenir d'adulte. Que nous aimions nos élèves devrait-il tant vous étonner?

3 commentaires:

  1. Merci d'avoir étoilé mon nom ;)
    Si tu pouvais par la même occasion supprimer le lien qui pointe vers mon compte Facebook, ça m'éviterait d'éventuels retours de manivelle...

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  2. C'est fait, je n'y ai pas pensé sur le coup, mais je crois que les paramètres de confidentialité de Facebook auraient de toute façon joué.

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