mercredi 29 janvier 2014

Le GDiD au Sénat...

Voici la vidéo intégrale (55 minutes) de l'audition du GDiD par la Commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat le mercredi 29 janvier 2014, sur le sujet des nouveaux rythmes scolaires... ce qui n'interdit aucunement d'y placer le discours logiquement parallèle de la situation absurde des directeurs d'école. En voici la preuve en images. Alain Rei, président de l'association, Pierre Lombard et Samuel Auxerre, secrétaires, représentent l'association. Je remercie au passage Pierre Lombard pour la passion qu'il met dans son discours.

On me communique...


Pascal Oudot, membre du Bureau du GDiD et fidèle lecteur de ce blog, ce dont je le remercie, me communique les deux informations suivantes dont je me fais avec plaisir l'écho:

1) les problèmes techniques qui affectaient les pages internet du GDiD sont désormais résolus, toutes les pages sont aujourd'hui accessibles.

Cela me donne l'occasion de vous rappeler un certain nombre d'adresses:

2) le GDiD est auditionné par la Commission de la Culture, de l'Éducation et de la Communication du Sénat aujourd'hui mercredi 29 janvier à 16h30. Seront présents Alain Rei, président de l'association, Pierre Lombard et Samuel Auxerre, secrétaires, ainsi que Patrick Salvi, webmestre.

L'audition, qui est publique, devrait logiquement être retransmise en direct sur cette page. Je vais tâcher pour ma part de m'en faire le plus fidèlement possible le rapporteur, peut-être en vous en communiquant la vidéo si je le peux.

Et vivent les directeurs d'école!

dimanche 26 janvier 2014

L'actualité du blog...


Pour des raisons qui m'échappent, les différents sites du GDiD (Facebook ou forums) sont inaccessibles en dehors du site officiel qui ne semble plus à jour. Pour suivre l'actualité du Confort Intellectuel, vous pouvez vous rendre sur Facebook ou plus simplement venir ici régulièrement, mais vous pouvez désormais également vous inscrire dans la colonne de droite pour recevoir les mises à jour par courriel, ou sur Twitter @CIntellectuel.

Et avec les syndicats, les dirlos en sont où ?


Il est intéressant en ce début d'année 2014, alors que nous allons peut-être enfin voir ce que M. Peillon a réellement dans les poches, de se poser la question de ce que syndicalement les enseignants en général et les directeurs d'école en particulier peuvent attendre de leurs soi-disant représentants.

Pour comprendre ce que je vais écrire ici, il faut bien se représenter le jeu syndical comme une partie de cartes en continu, un poker menteur permanent, ou un jeu de dominos qui ne cesse jamais. C'est à qui prendra la main, proposera le jeu le plus intéressant, utilisera ou non une éventuelle pioche, voire sortira des cartes de sa poche... et finalement raflera la mise. Il ne faut pas être dupe, et croire que propos de la partie soit réellement le bien-être des personnels: c'est un jeu de dupes, un jeu de pouvoir, qui apporte ou non confort, tranquillité, et surtout journées de décharge syndicale, pour le plus grand profit des centrales gagnantes. L'objectif premier d'un syndicat est bien de se conquérir un public fidèle, qui adhérera peut-être mais surtout votera pour lui aux élections professionnelles, car les avantages que procurent une bonne place dans ces scrutins ne sont pas négligeables. Il faut donc séduire son électorat et tenter d'en conquérir un nouveau, quitte à raconter n'importe quoi ou flatter ses plus bas instincts, au détriment bien sûr de la pluralité des opinions et des réalités de terrain. Vous me trouvez cruel? Regardez ce qui s'est passé depuis vingt ans, regardez comment les syndicats ont abandonné sans état d'âme les personnels de l’Éducation nationale dans tous les domaines. Non, je ne suis pas cruel, je ne suis que réaliste, et comme personnellement je ne me suis depuis le début de ma carrière jamais fait aucune illusion quant à l'honnêteté de la plupart des organismes syndicaux et de ceux qui y militent, je n'ai depuis tout ce temps aucune déception, juste une simple confirmation de ma façon de penser. Mais c'est souvent agaçant d'avoir raison. Évidemment, il existe des syndicalistes honnêtes, mais il sont portion congrue. Il existe aussi, et ils sont plus nombreux, des syndicalistes bercés d'illusions qui confondent opinion politique et engagement syndical, et prennent le second pour soutenir la première. Ceux-là sont souvent déçus et aigris par la réalité de leur propre engagement.


Mais que je regarde ce que j'ai comme signets dans mon navigateur dans le tiroir syndical... Voyons... dans le désordre, j'ai SUD Éducation, l' UNSEN-CGT, le SNEP-FAEN, le SCENRAC-CFTC, le SNUDI-FO, le SE-UNSA, le SGEN-CFDT et le SNUipp, ainsi que leurs éventuelles déclinaisons locales. Jolie brochette! Mais faisons du tri.

Voyons, je peux en gros faire deux paquets: d'un côté les syndicats extrêmes arc-boutés sur des convictions qui fleurent bon un marxisme désuet mal digéré, de l'autre les syndicats réformistes. Plus un singleton qui passe d'un côté à l'autre on ne sait jamais vraiment pourquoi, mais qui ne pourra à terme que devenir totalement réformiste s'il ne veut pas se trouver enfoui dans les poubelles de l'histoire syndicale de l’Éducation nationale. Vous noterez que la question de la direction d'école rentre pleinement dans ce schéma, puisqu'elle est farouchement combattue par le premier paquet et activement défendue par le second, avec des nuances toutefois.

Voyons d'abord les syndicats extrémistes. Nous y trouvons pêle-mêle SUD, la CGT, et FO. Ces centrales syndicales qui se détestent cordialement n'ont qu'un seul programme facilement résumé en un seul terme: "NON!" Non à tout, vive l'immobilisme, ne touchons à rien, à bas tous les patrons, ni Dieu ni maître, mort aux vaches... Ces gens veulent le bonheur de tous, mais à condition que ce soit selon leur propre vision des choses, quitte à l'imposer à coups de baïonnette. Ils sont de la trempe de ceux qui au cours des décennies ont soutenu Staline, Trotski, Mao, Pol Pot, que des grands démocrates populaires qui après avoir affamé leurs peuples respectifs ont fini de les exterminer dans des camps dédiés; des tyrans sanguinaires qui ont joyeusement, au nom de l'humanité, inventé le génocide et le plan quinquennal, le goulag et l'extermination de masse. Une chose qui m'a toujours fait rire -jaune-, c'est l'idée que les pires dictateurs se sont toujours réclamés de la démocratie et du peuple. Tout le XXème siècle en a payé le prix, faisant de la fin du millénaire la pire période de toute l'histoire humaine.

Inutile donc de préciser que pour ces trois centrales syndicales, faire évoluer l’École, et a fortiori rénover la mission de direction, sont des casus belli. On retrouve avec plaisir à chaque intervention d'un leurs séides les mêmes mots "caporalisation" et "petit chef" qui finissent par devenir un régal de fin connaisseur. L'idée qu'une école doit avoir un leader, quelqu'un qui la dirige et oriente son travail pour le plus grand profit de ses élèves et de leur réussite, est au-dessus des forces de ces gens-là qui persistent à se bercer de l'illusion pernicieuse et suicidaire d'une grande fraternité enseignante égalitaire et collectiviste. Ceux qui comme moi dirigent sur le terrain depuis de longues années apprécieront à l'aune de ce qu'ils ont pu connaître du sens de l'intérêt et du bien commun que peuvent avoir les enseignants...

J'admets pour être totalement honnête que je veux faire un cas à part de Force Ouvrière. La façon dont ce syndicat s'est mouillé et investi pour défendre dernièrement Jacques Risso, la façon dont il a savamment mené la danse, ne mérite que des éloges que je ne peux passer sous silence. Cela ne m'étonne d'ailleurs pas, FO a toujours considéré par exemple que le GDiD, a défaut d'avoir raison, méritait à ses appels le respect de réponses certes négatives mais claires et respectueuses. C'est tout à son honneur. Je dirai qu'au prochaines élections professionnelles, si on peut allègrement oublier FO comme SUD et la CGT sur le plan national, il sera peut-être intéressant de reconsidérer la question de FO sur le plan local.

Ne comptons donc pas sur ces trois centrales pour obtenir un statut clair et distinct pour les directeurs d'école, et voyons notre second paquet. Celui-ci défend l'idée que la direction d'école est une mission difficile et laissée pour compte qui ne peut plus être négligée dans l'école du XXIème siècle. On trouve dans ce paquet une majorité de grandes centrales syndicales, comme quelques petites: le SNEP-FAEN, le SCENRAC-CFTC, le SE-UNSA et le SGEN-CFDT. Les trois premières ont fait la course en tête pour écouter puis reprendre partie ou totalité des arguments du GDiD, la dernière a un peu traîné la patte mais a fini par s'investir totalement. On peut a priori compter sur elles pour ne pas laisser en friche la question de la direction d'école, comme le prouve la dernière intervention au Sénat du SGEN-CFDT. Il faudra songer sérieusement à ces quelques syndicats lors des prochaines élections professionnelles, autant voter pour des gens qui nous soutiennent, chers collègues directrices et directeurs. Il faut en particulier noter l'investissement très fort du SE-UNSA ces deux dernières années pour que la question de la direction d'école ne soit pas abandonnée par un Vincent Peillon peu au fait des réalités de terrain. Je n'ai pas de sympathie particulière pour ce dernier syndicat, mais pour être encore une fois honnête je pense que sans lui nous n'aurions rien obtenu du tout lors des récentes négociations. Voilà, c'est dit.

Reste un singleton. Le SNUipp bien sûr. Première centrale syndicale française, en voix lors des élections professionnelles comme certainement en nombre d'adhérents, le SNUipp ne sait plus ou il en est, et louvoie au gré du vent en donnant l'impression de ne plus avoir aucun cap. Le SNUipp fait du cabotage. Tiraillé entre deux factions internes rivales aux intérêts et aux motivations divergents, le SNUipp n'arrive pas à choisir son camp, ou comme j'en parle ici ne sait pas dans quel paquet il doit tomber. Ses positions oscillent donc curieusement, de semaine en semaine, entre des positions extrémistes qui lui font tout refuser, et d'autres qui pourraient montrer un semblant d'ouverture. Le SNUipp est en perte de vitesse, il sème ses adhérents -ce n'est pas moi qui le dis, mais le SNUipp lui-même-, il ne sait plus où se positionner. Mais il est évident, vue la force du vent de l'histoire, qu'il ne pourra qu'être réformiste et rejoindre le SE-UNSA et le SGEN-CFDT entre autres dans la défense de la direction d'école s'il tient à conserver sa position prédominante dans la profession enseignante. Lui faudra-t-il pour ce faire quitter la FSU? Ou réformer de l'intérieur cette même FSU, en prenant l'ascendant sur le tout-puissant SNES? En faisant le choix de la réforme, se scindera-t-il comme le fit il y a vingt ans le défunt SNI-PEGC? Ce sont des questions auxquelles il ne m'appartient pas de répondre, mais qui agitent certainement les dirigeants de la centrale syndicale. Toujours est-il que le choix devra être rapide, car les prochaines élections professionnelles auront lieu à la fin de cette année 2014, et le SE-UNSA est bien parti pour en être le grand vainqueur. Juste retour des choses? Je n'ai pas à me prononcer là-dessus.

Voilà donc en gros où on en est. C'est assez rassurant, car cela démontre tout de même que douze années de lutte de la part du GDiD pour convaincre ont porté leurs fruits, suffisamment pour qu'une majorité de grandes centrales syndicales retiennent et reprennent les revendications des directeurs d'école qui saturent à tous les niveaux. Comme directeur, je me sens soutenu comme je ne l'avais jamais été depuis que j'ai commencé à remplir cette mission, il y a tout de même maintenant presque quinze ans. Oh, rien n'est dit, rien n'est fini, il ne faut rien lâcher, et le GDiD ne lâchera rien! Nous avons avec le GRAF un début de reconnaissance -mais ce n'est qu'un début, c'est un statut qu'il nous faut-, nous avons besoin de tout ce qui doit accompagner cette reconnaissance en termes de moyens: du temps, un salaire digne, une existence juridique reconnue, etc. Si nous avons fait une avancée décisive, nous ne sommes pas encore au bout de nos peines. Mais ça vaut le coup de continuer à y travailler. D'ailleurs, au passage, si vous voulez rejoindre le GDiD, n'hésitez pas, vos 20€ permettront de mettre du carburant dans la machine. Dans quelques jours le GDiD sera auditionné au Sénat, ce genre de déplacement coûte cher. Et puis, ne serait-ce que par principe... Après tout, il n'existe en France qu'une seule et unique association nationale des directrices et directeurs d'école!

mercredi 22 janvier 2014

Vous allez voir ce que vous allez voir !


"Refondation... rénovation... innovation..." Que de -tions! Voilà le mantra sinistre psalmodié à longueur de temps par les incompétents, penseurs et autres gouvernants qui ne connaissent et ne comprennent rien à l'acte d'enseigner. Nos élèves et nous-mêmes sommes les cobayes permanents de savants fous qui ne comprennent aucunement pourquoi leurs lubies ne fonctionnent pas, rejetant sur le dos d'une profession enseignante qui n'en peut mais les catastrophes et errements qu'ils provoquent. Aujourd'hui par exemple on veut faire du "numérique" le nouveau miracle qui fera accéder tous nos élèves au nirvana de la connaissance... Quelle mauvaise plaisanterie! Son seul côté rigolo est que le lobby du numérique se heurte à celui des éditeurs de manuels scolaires, alors pourtant que l'usage le plus probant et utile qui pourrait être fait des tablettes tactiles serait justement celui de supprimer ces manuels lourds et encombrants qu'il faut renouveler en permanence et qui coûtent la peau des fesses. Mais non, le Conseil Supérieur des Programmes vient de faire savoir que les programmes de l'élémentaire ne serait pas renouvelés avant la rentrée 2015 pour laisser le temps aux éditeurs de refaire leurs satanés bouquins... Faut-il rire ou pleurer? Nos gouvernants ne sont pas à une contradiction près.

Depuis trente-cinq ans que j'exerce, j'y ai droit à chaque élection, sur le ton de "vous allez voir ce que vous allez voir!". Je vois. Les innovations qu'on me proposent aujourd'hui étaient le lot commun au début de ma carrière. "Il faut revenir aux fondamentaux.", nous susurrent-ils d'une voix charmeuse, lesquels fondamentaux ils sont incapables de nous définir. Je ne blague pas, je ne plaisante aucunement: à force de me faire dire tout et son contraire, j'ai fini par admettre que pour la tâche quotidienne et laborieuse qui est la mienne je ne pouvais compter que sur moi-même. Moi au moins je suis conscient de ma propre fiabilité... et je ne sauterai pas à l'occasion d'un remaniement ou d'une dissolution!

J'ai toujours pensé que pour des enfants si jeunes comme sont nos élèves de primaire, la stabilité et la régularité étaient des conditions indispensables à une acquisition sereine de connaissances ou de compétences. Ce qui n'interdit en rien de les bousculer, mais dans le cadre réjouissant et réconfortant d'un fonctionnement clair. Nos élèves sont déjà pour la plupart la proie des perturbations familiales qui deviennent lot commun, inutile d'en rajouter à l'école. Il faut rendre grâce aux enseignants français du primaire de continuer à  tenir le cap. Vaille que vaille nous persistons à apprendre à nos élèves les bases de la connaissance, et nous arrivons à en sortir beaucoup de la mouise dans laquelle certains sont embourbés. Malgré les avanies et les obstacles qui sont mis sur notre route nous persistons à croire en notre mission et à l'exercer. Mais ce n'est pas dans la sérénité.

Car enfin il faut bien admettre que nous sommes traités comme du bétail. Savez-vous chers collègues que votre salaire net va être de nouveau amputé en cette fin janvier? Pour cause de gel du "point d'indice" et d'augmentation des prélèvements obligatoires. Notre traitement n'est même pas similaire à celui des enseignants certifiés du collège, qui depuis de nombreuses années maintenant ont pourtant la même formation et les mêmes compétences que leurs collègues du primaire. Absurde. Indigne. Nos conditions de travail se sont dégradées à un point que jamais je n'aurais imaginé lorsque je suis entré dans la carrière. Ce qui faisait encore il y a peu que nous acceptions cette mission difficile sans trop renâcler est aujourd'hui battu en brèche, au point que plus personne n'a vraiment envie aujourd'hui de devenir professeur des écoles, ou de le rester: âge d'accès à la retraite, indépendance, vacances... Tiens, combien de temps croyez-vous que vous les garderez, vos vacances? S'il n'y avait pas le lobby touristique en France, il y a certainement belle lurette que vous n'en auriez plus autant. Alors réfléchissez avant de râler contre l'industrie du tourisme.

Tout cela ne signifie aucunement que je ne veuille pas certains changements. Ces deux mois de vacances en été ne me seraient peut-être pas nécessaires si je n'étais pas si épuisé en fin d'année. Il faut peut-être reconnaître que notre école n'est plus adaptée aux enjeux du XXIème siècle. Mais si notre Nation veut conserver une école publique de qualité il est peut-être temps de "rénover" nos conditions de travail en même temps que celles de nos élèves. J'admets que je ne suis plus prêt à lâcher aujourd'hui quoi que ce soit tant on m'a bouffé la laine sur le dos.

Là, je parlais en tant qu'enseignant. Mais que devrais-je écrire comme directeur d'école? Méprisé par le public, considéré comme un moins que rien par mon institution, je suis pourtant en première ligne pour appliquer et faire appliquer directives nouvelles, orienter le travail de la municipalité de la commune dans laquelle j'exerce, et autres nécessités techniques quotidiennes. En 2012 notre ministre déclarait qu'il ne pourrait rien faire pour les directeurs d'écoles, en 2013 il a commencé à réaliser qu'un école c'est déjà et surtout un cadre local, en 2014... J'attends ce que le ministre va proposer concrètement, et dont il se vante déjà à longueur de médias, mais je sais d'avance que cela ne me satisfera nullement. Oui, il a bien voulu avancer un peu, mais si peu! Le statut que j'appelle de mes vœux pour me donner enfin les moyens de mon action, je crois que je peux encore l'attendre longtemps. Les moyens pour exercer ma mission aussi. "Refonder" l'école... Illusion, ou prétention? Je ne doute d'ailleurs nullement des bonnes intentions de M. Peillon, je doute simplement pleinement de sa connaissance du terrain comme de ses possibilités d'action. "Vous allez voir ce que vous allez voir!" Nous avons vu, nous voyons. A l'heure où les hauts fonctionnaires de ce pays se voient gratifiés de primes mirobolantes, il me semble difficile de faire abstraction de ma propre situation.

Je fatigue. J'ai trente-cinq ans de métier dans les pattes, trente élèves au comportement difficile, une mission de direction à accomplir quand j'en ai le temps, c'est à dire sur mon temps personnel, et je suis payé à coups de pied au cul. Et je devrais me réjouir, M. le Ministre?

dimanche 19 janvier 2014

Anne, ma sœur Anne...


Je viens de passer deux semaines épouvantables. Je n'ai pas le souvenir d'avoir déjà connu une rentrée de janvier aussi difficile que celle que je viens de vivre, avec trente enfants perturbés, fatigués, agressifs. Depuis deux semaines je ne peux pas en tirer grand chose, sinon observer des élèves déboussolés aux nerfs à fleur de peau, interrompre bagarres et conflits latents... Que serait-ce si le rythme que je donne à ma classe n'était pas si proche de leurs besoins? Ou alors c'est la vieillesse, je ne comprends plus rien, je n'ai plus les moyens de faire sereinement mon travail. N'ai-je donc tant vécu que pour cette infamie? Je me suis sérieusement interrogé, et n'était ma longue carrière je me serais posé la question de mes compétences. Non, elles ne sont pas en cause. L'énergie que je déploie n'est certes pas celle dont je pouvais faire preuve il y a quelques années, mais en revanche je suis certainement mille fois plus efficace dans ma perception de ce qui se passe dans ma classe ou mon école, et mille fois plus efficace également pour intervenir en amont et limiter la casse. Mais quelle période compliquée! J'ai dormi dix heures entre vendredi et samedi. Il est rare que j'aie autant besoin de récupérer...

Rien n'invite pour moi à la sérénité. La concertation que notre ministre avait organisée à grand tapage en 2012 n'a donné naissance qu'à une créature difforme et incomplète. Notre profession laminée depuis deux décennies et mal rémunérée fait quotidiennement les frais de politiques successives absurdes. Le seul changement réel a pour l'instant consisté à nous remettre la demi-journée de travail que Xavier Darcos, dont le seul nom sera à jamais maudit, avait unilatéralement supprimée il y a cinq ans. Et à quel prix! Nous en sommes à rallonger laborieusement les journées de nos élèves, tout en jouant malicieusement avec des dates de vacances qui malgré toutes les déclarations fumeuses quant au bien-être des enfants restent à la merci des desiderata du secteur touristique français. Ce qui en soit ne me pose pas problème, j'ai déjà expliqué sur ce blog combien importante était l'activité économique liée au tourisme et aux vacances dans notre pays, et que ne pouvions pas en faire abstraction. Mais l'hypocrisie latente de nos gouvernants, l'écart de plus en plus flagrant entre le discours et les actes, ne me procurent aucun optimisme.

J'ai été également sidéré par ce qui s'est passé subrepticement pendant les vacances de Noël. Moi qui attendais pour Jacques Risso un retour pur et simple à ses missions d'enseignement et de direction d'école, je suis comme tous les directeurs d'école de ce pays abasourdi par la décision effarante du DSDEN du Vaucluse, qui a prolongé de quatre mois la suspension de notre collègue.

C'est un décision exceptionnelle, à plus d'un titre. D'abord parce qu'elle confirme pour nous tous la possibilité qu'a un fonctionnaire subalterne de ce ministère de faire fi de la Loi, qui après quatre mois de suspension réclame de l'administration une décision définitive. Ensuite parce qu'elle démontre pleinement le mépris de l'institution pour ses fonctionnaires de terrain. Enfin parce que malgré une enquête de l'IGEN qui démontrait clairement l'inanité, l'illégalité, la bêtise et l'inhumanité des décisions prises au niveau académique, un Directeur Académique se permet de persister à vouloir broyer un homme. Car c'est bien de cela qu'il s'agit, de l'écrasement d'un directeur d'école qui avait le malheur d'affirmer ses convictions par le biais des caricatures qui tous nous faisaient autant rire que réfléchir. Comment l’État, comment ce gouvernement, comment ce ministre, qui ne cessent les uns comme les autres de clamer leur amour d'autrui et leur respect de la liberté d'expression, qui en ont même fait une partie de leur fond de commerce, peuvent-il à ce point bafouer la justice et l'équité? Le seul terme qui vienne à mon esprit est celui de vilenie.

Enfin, en ce qui concerne ma mission de direction d'école, je reste comme sœur Anne, et je ne vois rien venir. Il n'y a que le soleil qui poudroie, l'herbe qui verdoie... le système qui merdoie. Le petit directeur d'école maternelle que je suis n'a pour l'instant que trois certitudes, celle de devoir à la rentrée de septembre appliquer de nouveaux programmes dont je me demande bien ce qu'ils vont pouvoir inventer; celle de devoir gérer ces fameux nouveaux rythmes que la municipalité avec laquelle je travaille m'avait épargnés cette année -y compris ces fameux TAP et APC qui pour des enfants entre trois et cinq ans sont pire qu'une absurdité, plutôt de la maltraitance-; celle de savoir l'école maternelle unique responsable d'un cycle unique des apprentissages premiers... ce qui me fait une belle jambe. Pour le reste, j'ai beau envoyer ma sœur Anne au sommet de la tour, je ne vois rien venir pour les directeurs d'école, et je n'aurai bientôt plus qu'à descendre pour me faire égorger, à moins que la Barbe-Bleue institutionnelle ne se décide à grimper elle-même les quelques marches qui nous séparent.

Car enfin, nous n'avons pour l'instant que des déclarations d'intention. Et si je ne peux me nourrir de réalités concrètes j'aimerais au moins pouvoir me nourrir d'espoir. Mais celui-ci s'amenuise devant l'ampleur de ma tâche. J'ai encore mardi soir une réunion de préparation du PEDT, dans mon bureau, à laquelle je participerai la tête dans le [...] après mes six heures de classe à tenter d'aider à grandir mes trente petits monstres. Réunion gratuite? Je ne compte même plus les heures, je ne pointe plus rien, c'est chronophage et énergivore, c'est surtout inutile et désespérant. Alors qu'est-ce qui m'attend? Une aumône rallongée dans quelques années, quelques piécettes supplémentaires chichement octroyées sur le parvis de l’État où je tends fébrilement ma sébile? Quelques heures qui me seront dans quelques années aussi accordées -peut-être!- pour alléger ma charge d’enseignement? Un nouveau grade... pour qui? Comment? J'aimerais être optimiste, franchement j'adorerais ça. Mais je me vois plutôt battre le pavé pendant encore de longues années toujours plus difficiles, toujours plus compliquées, avant d'atteindre une retraite à laquelle j'arriverai épuisé. J'aimerais vraiment, arrivé à cinquante-trois ans, qu'on allège ma charge de travail. Ou il me faudra partir vers d'autres horizons, quitter la mission de direction d'école que je connais pourtant si bien, et que je prétends remplir au mieux, pour n'avoir plus en tête que la gestion d'une classe, ce qui n'est déjà pas rien.

Sœur Anne, ma sœur Anne, remonte au sommet de la tour! Scrute l'horizon.

vendredi 10 janvier 2014

Fatigue et lassitude... plein le cul, quoi!

J'ai plusieurs billets en mode "brouillon" qui attendent le polissage final. Peux pas. Fatigué. Semaine horrible avec trente gosses agités, grosse tête pleine de migraine, de galettes et de couronnes, de courriels redondants inutiles, de petits bouffe-temps et de petits bouffe-énergie. Je voulais dire mon indignation pour Jac, je n'ai même plus la force d'y mettre le coup de patte final... La cata. Pas d'inquiétude, je ne suis pas loin. Je voudrais juste avoir un peu de je ne sais pas quoi devant moi pour arriver à récupérer. Là, peux pas. Couic. Néant. Zéro. Dodo.

dimanche 5 janvier 2014

Lettre...

Après avoir reçu le prix Nobel de littérature, Albert Camus écrit à un de ses anciens instituteurs:
19 novembre 1957
Cher Monsieur Germain,
J'ai laissé s'éteindre un peu le bruit qui m'a entouré tous ces jours-ci avant de venir vous parler un peu de tout mon cœur. On vient de me faire un bien trop grand honneur, que je n'ai ni recherché ni sollicité. Mais quand j'ai appris la nouvelle, ma première pensée, après ma mère, a été pour vous. Sans vous, sans cette main affectueuse que vous avez tendue au petit enfant pauvre que j'étais, sans votre enseignement, et votre exemple, rien de tout cela ne serait arrivé. Je ne me fais pas un monde de cette sorte d'honneur mais celui-là est du moins une occasion pour vous dire ce que vous avez été, et êtes toujours pour moi, et pour vous assurer que vos efforts, votre travail et le cœur généreux que vous y mettiez sont toujours vivants chez un de vos petits écoliers qui, malgré l'âge, n'a pas cessé d'être votre reconnaissant élève. Je vous embrasse, de toutes mes forces.
Albert Camus