dimanche 15 mars 2015

Sens dessus-dessous...

Je suis au bord de la dépression nerveuse. Ce n'est pas une image: je dors très mal, je prends mal de nombreux faits ou paroles, et surtout je me sens mal. Si cela vous est déjà arrivé, vous comprenez de quoi je parle, et vous savez combien cet état est désagréable.

Je ne nie pas dans ma méforme l'importance de la dépression saisonnière. L'arrivée du printemps -comme tout changement de saison- n'est pas une transition facile, et les quinze jours de vacances s'ils en ont atténué l'effet ne l'ont pas pour autant fait disparaître. Mais jamais jusqu'à cette année je ne m'étais senti à ce point sens dessus-dessous.

Comment cela se traduit-il? Je me sens nul dans mon travail. Nullissime. Incompétent. Dépassé. Rien de ce que je fais, avec mes élèves comme dans ma mission de directeur d'école, ne trouve grâce à mes yeux. J'ai l'impression de ne pas faire autant que ce que je pourrais. J'ai l'impression de "taper à côté". J'ai l'impression de tout laisser en déshérence, que ce soit dans ma classe ou dans mon bureau de dirlo.

Quand ce sentiment m'étreint, car il me saisit régulièrement, je sais dans mon fors intérieur qu'il ne traduit pas la réalité. Mais là, en ce moment, je suis dans l'impossibilité de reprendre pied. Je n'ai qu'un désir: me cacher, disparaître, me fondre dans mon environnement au point de ne plus y être visible. Je voudrais partir, quitter mes élèves, ma classe, mon école, me réfugier ailleurs loin des regards. Bref, ça ne va pas. Pas du tout.

J'essaye d'analyser ce qui m'arrive, pour en prendre pleinement conscience et tenter sinon d'y remédier du moins d'en atténuer les effets mortifères. Ce n'est pas simple, heureusement que je ne suis pas seul dans ma vie, ma compagne est un précieux soutien quotidien. Mais remettre les pieds dans la voiture pour aller travailler est une épreuve que je subis chaque matin, chaque matin j'y vais à reculons, avec un poids démentiel sur les épaules et un intense sentiment de fragilité, d'instabilité, de crainte irraisonnée.

J'ai découvert et lu ce matin un texte paru chez Mediapart, concernant les directeurs d'école et le récent référentiel-métier que j'ai tant désiré. Je ne rejoins pas l'interprétation qui en est donnée ni ce qu'y voit l'auteur du billet lorsqu'il s'éloigne du constat qu'il fait, qu'en revanche je trouve passionnant et dans lequel je me retrouve beaucoup voire énormément! Cette antinomie est amusante, mais finalement logique tant je me sens étiré, écartelé, entre toutes les injonctions parfois contraires qui depuis des années nous tombent dessus avec une régularité de métronome. Je l'ai déjà abondamment écrit ici, l'école et les enseignants ont besoin de stabilité et de sérénité. L'exercice de nos difficiles missions, que l'on soit "simplement" enseignant ou directeur d'école ou les deux à plein temps dans mon cas, ne supporte pas l'inconstance et les continuels changements qui provoquent une incertitude néfaste et une insécurité permanente. Turbulences politiques, versatilité... Comment voulez-vous que nous sachions sur quel pied danser? Et surtout comment devons-nous accomplir nos missions?

Je me reconnais pleinement dans cet extrait du texte dont je vous ai donné le lien:

"... Désormais en ligne de front, les directeurs d'école comprennent mieux la dramatique souffrance au travail à l'œuvre dans d'autres Services Publics. Une souffrance touchant particulièrement les professionnels expérimentés, déstabilisés par les injonctions nouvelles. Leur amour propre affecté par un sentiment d'impuissance, ils anticipent et introjectent des jugements négatifs. Ne pas être à la hauteur de la tâche attendue par la hiérarchie. Ils ne parviennent plus à surmonter des contradictions entre leur éthique professionnelle et la sale besogne dont on les charge, vécue comme aliénation. Ils se soumettent à contre-cœur aux directives administratives dont ils nient la pertinence, pire, ils la récusent..."

Je suis clairement dans cet état d'esprit. Je sais qu'il est temps pour chaque directeur de saisir à bras le corps le nouveau référentiel, mais ô combien c'est pour moi compliqué. Il est vrai pour l'instant que notre hiérarchie immédiate, engluée dans des obligations de toutes sortes y compris administratives et certainement nécessaires, n'a pas encore pu saisir pleinement et organiser la nécessaire formation des directeurs d'école, y compris et peut-être surtout des anciens comme moi qui ont connu d'autres fonctionnements, d'autres textes, d'autres obligations. Mais il est largement temps de s'y mettre si on veut réellement nous conforter dans notre rôle, et -du moins pour ce qui me concerne actuellement- aussi nous réconforter. Encore faut-il également que l'institution et notre hiérarchie immédiate veuillent réellement nous donner le rôle que le législateur a prévu, et nous accorder sincèrement les prérogatives qui y sont attachées. Il y aura forcément des réticences locales.

En attendant, je ne vais pas bien. Je prends sur moi, je me bouffe littéralement. Je voudrais du soutien, des paroles gentilles, de la reconnaissance. Je sens que je ne supporterai pas ou mal la moindre attaque ou la moindre remise en cause, si minime soit-elle. Vous avez dit "burn-out" ?

2 commentaires:

  1. Bon courage, j'ai connu cela au début de l'année, en novembre.
    Plus la force, plus l'envie.
    C'est revenu, mais la situation reste ubuesque, et c'est surtout dans la continuité d'une évolution en pente raide que je vois l'avenir, même très proche.
    Les enfants, PS pour moi, sont en perpétuelle agitation, énervement... Jamais vu à ce point jusque là.
    Bien sûr, rien à voir avec les rythmes...!
    J'en suis à travailler le rond, un retard de plusieurs mois, pas faute de 'pousser' la machine...
    Juste bon courage, on nous demande beaucoup, trop. Faut pourtant d'abord protéger le corps, donc la tête.
    Parfois un pause peut s'imposer.
    A chacun de voir!
    Au plaisir des prochains billets :-)

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