dimanche 7 juin 2015

Et les IEN, là-dedans ?

Je suis avec attention ce qui se passe sur internet et qui concerne les directeurs d'école, ce qui me permet de suivre discrètement certaines conversations sur les forums ou Facebook, sans généralement y participer d'ailleurs car je n'en ai pas forcément l'énergie en cette fin d'année où chaque jour amène une réunion ou autre en plus de ma gestion de classe à plein temps. De plus, autant à une époque j'avais envie de ferrailler avec les imbéciles, autant aujourd'hui je préfère laisser dire, les propos ineptes s'effondrant d'eux-mêmes dans les enfers de la bêtise (il y a du monde dans ce cercle-là...).

Dans ces conversations beaucoup de directeurs d'école semblent résignés à leur triste sort. C'est d'autant plus bête que manifestement ils n'ont pas lu -ou ont mal lu- leur propre "référentiel-métier" qui pourtant nous conforte dans un rôle très particulier et à forte responsabilité. Certes nous n'en avons pas encore vraiment le temps ni les moyens, et la reconnaissance institutionnelle qui nous est due se fait attendre, mais cela ne signifie pas que nous restions dans le statu quo mortifère que nous avons connu plusieurs décennies, alors que ce qui nous était demandé s'amplifiait drastiquement.

Pour notre administration, la chose est claire: le directeur d'école est de facto le responsable hiérarchique dans son école. Nous autorisons ou non les sorties de nos collègues, les demandes d'autorisation d'absence passent par notre voie même si ce n'est pas nous qui les accordons, nous imposons la répartition des classes, des moyens, des élèves (certes après en avoir discuté, mais in fine...), nous gérons les locaux et leurs horaires d'utilisation, etc. On m'a cité opportunément un extrait d'une Décision du Conseil d'état qui date de 2006 (Décision 278544 du 15 mai 2006), dans laquelle les termes suivants sont employés pour décrire les rapports entre un directeur et un adjoint: "un contexte de relations difficiles entre l'intéressé et son supérieur hiérarchique". L'institution sait pertinemment que les directeurs d'école sont pour le primaire le premier échelon de la hiérarchie de l’Éducation nationale mais préfère le taire parce que souvent ça l'arrange bien, comme les centrales syndicales le savent tout aussi bien mais préfèrent n'en rien dire pour perpétuer l'illusion d'une démocratie scolaire qui n'existe pourtant pas. Ceci écrit, que n'avons-nous entendu lorsque la Loi a imposé aux enseignants une autorisation de sortie, alors qu'aujourd'hui plus personne n'en parle, et pour cause!

Le directeur d'école a aujourd'hui une force que bon nombre de directrices et directeurs d'école ignorent et que beaucoup d'autres préfèrent taire pour leur confort. Parmi ces derniers nous trouverons bien entendu certainement une majorité des Inspecteurs de l’Éducation Nationale, que j'appellerai IEN pour faciliter mon écriture.

A quoi sert aujourd'hui un IEN? La réponse est simple: à rien. J'ai déjà écrit sur ce blog que notre ministère ferait quelque économie en supprimant cet échelon inutile de la monstrueuse pyramide institutionnelle et en laissant à des directeurs d'école formés et compétents -et peut-être sélectionnés, non je ne crains pas ce mot- le soin d'appliquer la Loi.

Car enfin que reste-t-il à ces gens-là? L'IEN accorde des autorisations d'absence qui ne sont pas de droit et ne sont quasiment plus remplacées (dirlos, démerdez-vous); l'IEN accorde des agréments pour certaines activités encadrées par des personnes qui ne sont pas du sérail (comme si un dirlo ne pouvait pas le faire et vérifier lui-même un brevet d'état ou surveiller une activité même sportive); euh... C'est tout? Corrigez-moi si je me trompe. Ah si, j'oubliais, il doit vérifier la conformité aux textes des décisions du  Conseil d'école ou autre. Ah ah ha! Quoique, je rigole, mais j'entends parler de tant d'âneries provoquées par des directeurs inconséquents que je ne peux que revenir à mon principe de directeurs formés et compétents donc choisis par une administration tatillonne tant nos responsabilités sont grandes et certainement aujourd'hui au-delà des possibilités de certains. Je tape sur des dirlos? Ah ben oui. Hélas. J'en suis fort marri, mais tant que les directeurs d'école n'auront pas saisi à pleines mains leurs responsabilités ni accepteront de les assumer, j'y serai contraint. Mais j'admets en revanche que nous n'avons que peu d'armes pour nous imposer, et surtout peu de temps quand nous sommes dans notre classe avec nos élèves, ce qui est le cas des 9/10émes d'entre nous (j'en suis).

Votre IEN ne vous note même pas, contrairement à ce que vous pensez, ce que rappelle fort bien Pierre Lombard, secrétaire du GDiD, dans un récent billet de leur forum public. C'est le DASEN qui le fait. Et il n'a rien à dire sur vos répartitions (c'est l'époque) ou vos choix. Quand il le fait, c'est souvent parce que vous lui avez demandé, alors que vous ne devriez pas. Comme vous devez refuser son avis ou pire son aval lorsqu'il veut l'imposer, il n'en a pas le droit. Quel droit alors a-t-il? Aucun. Seul le DASEN peut vous reprocher quelque chose, et encore parce que certains de vos choix ne seraient pas conformes aux textes qui régissent l'école. Sur le reste, le DASEN non plus ne peut rien dire. Résistez! Prenez votre mission à bras le corps! Imposez-vous! Personne ne peut rien contre vous. Et n'hésitez pas à foutre dehors votre IEN s'il veut s'imposer, il ne peut rien vous faire. Si, il peut vous brailler après. Comme enseignant, vous devriez savoir brailler plus fort.

Mais je dois tempérer mes propos. Je vois tout de même à un IEN une mission d'importance et même primordiale, celle de la formation des enseignants. Effectivement à une époque où celle-ci a totalement disparu (qu'on ne me raconte pas le contraire, surtout en me foutant cette merde de M@gistere dans les pattes), je pense qu'il faut recentrer la mission des IEN sur ce point important. Les textes changent régulièrement, la formation initiale est redevenue ce qu'elle fut, soit purement didactique et totalement éloignée des réalités du terrain, même si heureusement il existe aujourd'hui une bénéfique formation en alternance. Tout cela nécessite formation initiale pointue, formation continue réelle, assistance pédagogique et soutien physique aux projets d'école... tout ce qu'une équipe de circonscription serait à même de faire avec compétence, et certainement avec plaisir quand on sait ce que leur mission initiale est devenue.

Alors on sait ce qu'il faut faire: installer le directeur d'école dans un rôle de chef d'établissement primaire, avec ce qui l'accompagne en temps, en responsabilités, en salaire. Donner aux DASEN la gestion des remplacements et absences (un secrétariat costaud en lien direct avec les dirlos). Rendre aux IEN et aux CPC (j'ai beaucoup de respect pour les compétences et l'abnégation des CPC) leur rôle de formateurs qu'on n'aurait jamais dû leur enlever.

Et tout ira bien mieux dans le meilleur des mondes.

Mais pour l'instant je n'ai qu'une recommandation à faire aux directrices et directeurs d'école qui me lisent: prenez vos responsabilités! Devenez, soyez directeur! Sentez votre rôle dans vos tripes! Ne tergiversez pas, ne rentrez pas le cas échéant dans les jeux pervers de votre équipe ou des municipalités! La dirlo, le dirlo, c'est vous. Et personne d'autre.

PS: et au passage, renouvelez ou prenez votre adhésion au GDiD, nous avons beaucoup obtenu jusqu'à présent en ne lâchant rien (oui, beaucoup, contrairement à ce que croient penser les déprimés), mais il reste tant à faire! C'est à cet endroit-là dans la colonne de droite.

2 commentaires:

  1. La notion de supérieur hiérarchique est si fantasmée dans le primaire qu'elle devenu un (LE?) frein important à toute évolution. PL

    RépondreSupprimer
  2. Le concept de "supérieur hiérarchique" est si fantasmé dans le primaire, qu'il est le frein le plus important à toutes évolutions.PL

    RépondreSupprimer