dimanche 11 octobre 2015

Simplification administrative? Mon... œil !

J'ai eu une hésitation en écrivant le titre de mon billet, j'avais envie d'écrire un autre mot qu' "œil"... Mais je me suis retenu, je trouve que ce que j'écris est trop vulgaire depuis quelques semaines. Je suppose que la fatigue et l'exaspération en sont les causes. Car je suis effectivement exaspéré. Exaspéré de constater jour après jour à quel point les corps intermédiaires de ce ministère font peu de cas des choix du Ministère ou de la DGESCO, quant à la considération qui est due aux directrices et directeurs d'école qui sont les premiers gestionnaires et responsables réels des écoles, quant au référentiel-métier paru en décembre 2014, quant à la simplification administrative qui partout devrait être en cours, quant... Je suis amer de constater qu'en cette première période d'une nouvelle année scolaire mon travail a empiré, en temps, en quantité, en responsabilité; amer de constater que ma classe, car j'ai -c'est anormal- une classe à temps plein, en souffre; amer surtout, je crois, stupéfait aussi, de l'ostensible mépris qui m'est octroyé par des fonctionnaires intermédiaires de la DSDEN ou des IEN qui pourtant devraient me soutenir, et qui au contraire persistent à tenter de m'imposer leurs vues absurdes ou de me fliquer, au mépris de mes prérogatives et de mes compétences, alors qu'eux-mêmes n'ont jamais osé ou pu assumer le difficile sacerdoce de la direction d'école. Oui, en ce 11 octobre 2015, persister dans ma mission de directeur d'école me parait vain, j'ai commencé à évoquer dans mon entourage professionnel mon possible abandon au profit de la simple et belle mission d'enseignement, qu'après toutes ces années je connais par cœur. Je tente depuis longtemps de sortir la tête de l'eau, soutenant mon école à bout de bras, je ne supporte plus que quelques ahuris qui ne me valent pas s'ingénient à m'y enfoncer, ni l'incapacité flagrante du gouvernement à se faire entendre de corps intermédiaires inutiles, sclérosés, incompétents, comme de gérer les contradictions d'une législation pléthorique et aberrante.

Tiens, cette période d'élections des représentants de parents, j'y reviens... Oui, c'était vendredi. Cher parent d'élève qui me lisez, vous avez voté? Oui, peut-être, si l'école vous intéresse, je serais surpris que vous ne l'ayez pas fait. Mais une grande partie de nos familles s'en foutent, et elles ont bien raison, même si l'écrire va m'attirer les foudres des coincés du Café Pédagogique qui n'ont que leurs pantoufles confortables en ligne de mire. J'aurai même du bol si ce billet n'est pas qualifié de "raciste" pour une raison quelconque par un quidam en mal de notoriété (je devrais peut-être utiliser une police de caractère de couleur, voire arc-en-ciel histoire de me concilier tous les lobbys parisiens). Beaucoup de nos familles n'ont rien à faire de ces élections parce qu'elles savent que l'école fonctionnera avec ou sans leurs suffrages, elles savent que dans ma petite commune leurs enfants seront accueillis, que nous ferons de notre mieux pour les accompagner sur le chemin de la maturité. Et puis, je le redis, avec une seule liste, même s'il n'y avait aucun votant... Au fait, j'en ai eu un peu plus de 60%, uniquement par correspondance bien entendu.

Mais alors qu'on me rebat les oreilles depuis deux ans avec la "simplification administrative", celle-ci, manifestement, ne regarde en rien mon Académie qui s'en bat l’œil -que dis-je!-, qui s'en tamponne le nombril avec le pinceau de l'indifférence. Vas-y, petit directeur, braille, et fais ce que je te dis, sinon gare à tes fesses! C'est bien de ce niveau que sont les injonctions que je reçois, ponctuées de menaces à peine voilées réitérées par chaque strate de ma hiérarchie, ou par ceux qui y émargent sans en faire partie. On m'interpelle, on me menace, on m'admoneste par avance au cas où... Ce n'est pas une épée de Damoclès administrative que j'ai au-dessus de la tête, c'est toute une armurerie de personnels qui se "couvrent" et réclament chacun une attention que je n'ai ni le temps ni l'énergie d'accorder. Mes vingt-six loupiots, les quelques soixante-dix élèves de mon école et leurs familles la méritent largement plus, et passent certainement pour moi avant toute autre chose.

C'est ainsi qu'alors que depuis deux ans existe un programme en ligne permettant la saisie des résultats des élections au Conseil d'école -ce qui va permettre à notre ministère de faire paraître des résultats nationaux dès lundi-, on me réclame toujours de faire parvenir à mon administration une quantité invraisemblable de paperasses, en particulier le procès-verbal signé par les membres du bureau de vote qui ont participé au dépouillement. Pour quoi faire? On doute de moi? Oui, certainement, on doute de ce que je peux taper sur mon clavier, ou de mon intégrité de fonctionnaire. Mieux, nous sommes cette année dans une "année d'archivage", ce qui signifie que j'ai dû poster à ma hiérarchie les bulletins nuls et même l'enveloppe vide. Les archives vont-elles recevoir rien que pour ces élections cinq tonnes de paperasses? Après des années de déclarations ronflantes quant à un nécessaire "passage au numérique", alors même que nos impôts directs vont eux être totalement dématérialisés qu'on le veuille ou non...

J'ai donc cette année encore fait tout le boulot en double, sur le net et sur le papier, en ligne et par courrier postal. Pour une seule liste. Joli exemple de simplification administrative. Belle image de notre pays englué dans des normes et des règlements qui définitivement ne doivent servir qu'à justifier l'existence de sombres officines administratives qui n'existeraient pas autrement.

Je dois admettre que j'envisage aujourd'hui mon départ avec une certaine sérénité. Cela d'ailleurs n'a rien à voir avec le GDiD auquel j'ai de nouveau et sans d'âme fait parvenir mon écot annuel (20€, pour garder l'espoir, ce n'est pas cher payé). Si je quitte effectivement mes fonctions en fin d'année, j'aurai toujours beaucoup à raconter ici, simplement en observant la ou le collègue qui me succédera se débattre tant bien que mal avec cette mission compliquée, et je persisterai à accompagner le GDiD. Il faut que cesse définitivement la mauvaise farce que l'on nous fait jouer. Les directeurs d'école, confirmés et affirmés dans leur rôle, sauront parfaitement gérer l'école française sans l'aide imposée de personne, au mieux de l'intérêt des élèves et des familles. Je l'ai écrit plusieurs fois, c'est l'avenir de l'école primaire qui est en jeu dans cette histoire, pas mon intérêt personnel. Surtout que pour moi la retraite commence à montrer de loin ses petits petons, et se fait aguichante. Je partirai dans peu d'années sans regret, car j'aurai fait mon boulot, et j'ai la prétention de pouvoir dire que je l'aurai bien fait. Mais je ne voudrais pas qu'il me reste au cœur un sentiment d'insatisfaction de n'avoir vu enfin la mission des directeurs d'école reconnue et appréciée à sa juste valeur.

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