mardi 12 avril 2016

Il y a des trucs qui m'énervent...

Madame la Ministre de l’Éducation nationale est allée début avril visiter l'ESENESR de Poitiers, et a prononcé un discours devant les stagiaires présents. L'ESENESR, si vous ne connaissez pas, c'est l'école supérieure qui forme les proviseurs, les principaux, ou les IEN, entre autres.

C'est très bien que la Ministre fasse un petit tour là-bas. Je cite l' "invitation à la presse" que l'on trouve sur le site du ministère:

"Au sein des académies, les inspecteurs et les personnels de direction contribuent de façon essentielle au pilotage et à la mise en œuvre des orientations de la loi de Refondation de l'École de la République. Cette formation conjointe permet de rassembler l'ensemble de ces personnels autour d'objectifs pédagogiques communs de réussite de tous les élèves. Les thèmes abordés cette semaine sont notamment l'innovation pédagogique dans la classe, le travail coopératif entre tous les acteurs, le partage des valeurs de la République, avec pour objectifs un pilotage pédagogique efficient, l'amélioration de l'orientation, la lutte contre le décrochage scolaire."

Après son discours, Madame la Ministre est allée visiter deux écoles pour rencontrer - comme le précise un quotidien local - les élèves d'une "classe orchestre" à l'école Andersen et ceux d'une "classe mathématiques" à l'école maternelle Renaudot.

Oui, c'est très bien.

Sauf que les classes en question font évidemment partie de l'école primaire publique et communale, et que je sache ceux qui s'y tapent le boulot sont des enseignants du primaire et des directeurs d'école qui ne sont aucunement concernés par les formations de l'ESENESR. Ce qui est bien dommage.

Je suis allé faire un petit tour sur le site de l'ESENESR. Les formations et thèmes de réflexion proposés, les séminaires et autres actions, sont passionnants. Et concernent au premier chef les directeurs d'école qui sont en première ligne sur le terrain et directement intéressés par la plupart des questions abordées. Mais les directeurs d'école, bien que vantés continuellement, bien que personnellement et fortement impliqués, ne sont pas des "personnels de direction" et ne peuvent bénéficier de ces formations et stages qui leur seraient directement profitables comme ils seraient certainement profitables dans la gestion quotidienne des écoles françaises.

Si je ne reprends que l'invitation citée plus haut, on y parle d' "innovation pédagogique": c'est qui qui la mène? De "travail collaboratif": qui c'est qui s'y colle? De "pilotage pédagogique": qui est directement concerné? De "lutte contre le décrochage"... Dans les actualités du site de l'ESENESR, il est question d' "Éduquer aux usages responsables des réseaux sociaux", de "réflexion commune sur l'éducation des élèves à la fraternité et sur ses moyens dans les classes", de "Prévention et gestion de crises", des "relations éducation nationale/collectivités territoriales"... Tiens, sur ce dernier point, il est écrit: "La réforme des rythmes scolaires a modifié le monde de l'éducation et a conduit, au niveau local, les acteurs à définir de nouveaux modes de relation entre l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Cette relation est sans cesse à réinventer pour s'adapter aux réformes mais également à la diversité des territoires." Les directeurs d'école ne sont-ils pas les PREMIERS acteurs de cette relation? Alors pourquoi les directeurs d'école sont-ils laissés à part? Pourquoi les directeurs d'école, pour lesquels chacun sait et dit qu'il est nécessaire de mettre en place une formation adaptée, restent-ils des laissés pour compte? J'ai trouvé aussi sur le site les références d'une émission dont le thème est "l'évaluation positive à l'école maternelle". Certes cette émission est disponible en podcast, mais qui le sait? Surtout que dans cette émission le "grand témoin" est Agnès Florin dont les propos sont toujours intéressants.

Il est temps de remettre à l'heure quelques pendules. Sans un effort réel de la part de l’État pour admettre que les directeurs d'école sont au même titre que les principaux et proviseurs des professionnels de terrain dignes d'être consultés et formés, dignes d'être considérés pour leur action quotidienne, l'école primaire restera le parent pauvre du système et ne pourra faire un aggiornamento nécessaire. Ne pas donner à l'école primaire les moyens nécessaires à son passage au XXIème siècle, stagner dans des fonctionnements hérités de la Troisième République et qui n'ont que peu évolués, c'est hypothéquer l'avenir du système scolaire français. On ne peut brailler en permanence que l'école primaire - maternelle et  élémentaire - est la base et la priorité, et rester les bras croisés. Cela passe nécessairement, il faut arrêter de se voiler la face, par un changement profond du statut des directeurs d'école qui - la population doit en être consciente - ne sont pas formés, pas payés, pas considérés, mais gèrent au quotidien l'école de la République sans en avoir ni le temps ni les moyens. J'ai entendu parler, il y a quelques années, de "refondation". Ce n'était donc réellement qu'un mot? Ou s'est-elle arrêtée à un changement d'emploi du temps ou de de rythme dont chacun aujourd'hui d'ailleurs reconnait qu'il est une catastrophe coûteuse mise en doute tout autant par les familles que par les professionnels?

Il y a, c'est vrai, des trucs qui m'énervent.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire