dimanche 25 juin 2017

On n'a pas de bol quand même, ou pauvre NVB...

Il y a comme un problème. Du moins je trouve, moi. Du haut de mon mètre 75 un peu tassé avec l'âge, j'ai du mal à admettre qu'on puisse tenir deux discours différents sans y voir aucune antinomie.



Je parle de notre nouveau gouvernement, ou de notre nouveau ministre, mais comme il semble que notre Président de la République étende ses ailes avec force et détermination au-dessus de ses oisillons apeurés, il est clair que les décisions viennent pour l'instant directement de l’Élysée.

Effectivement M. Macron avait dans ses promesses de campagne affirmé qu'il dédoublerait les classes de CP voire de CE1 des zones "difficiles", entendez les écoles en REP ou REP+ (au passage cette surenchère m'a toujours rendu ahuri, on dirait un sketch de Coluche, à quand les REP++ et +++ ? ). Pourquoi pas, dans l'absolu. Sauf que douze élèves c'est idiot parce qu'il n'existe aucune synergie dans la classe, sauf que les Directrices et Directeurs de ces écoles qu'ils gèrent au quotidien n'ont rien demandé en ce sens, sauf que la plupart préfèreraient avoir des sous qu'ils pourraient mettre là où ils en ont besoin, ou profiter de l'excellent dispositif  "Plus de maîtres que de classes" réclamé depuis plusieurs décennies et enfin réalisé par l'excellente Najat Vallaud-Belkacem qui ne méritait certainement pas ce qui lui est arrivé. Notons au passage que ce dispositif est celui employé dans les fameuses écoles finlandaises où il fait je l'espère plus frais qu'ici. Mais pour satisfaire une partie déprimante de son électorat le présent gouvernement veut balayer tout ce qui fut marqué du sceau de l’infamie NVB. Pov' Najat ! Et je ne moque pas, j'ai suffisamment écrit ici tout le bien que je pensais de cette femme. Si vous n'êtes pas content je vous tire la langue, na na nère, et il est temps que je parte en vacances parce que si je me mets à causer comme mes élèves...

On n'a pas de bol, quand même, dans l'Educ'Nat. Après François Hollande qui a voulu respecter sa promesse de campagne impromptue de créer soixante-mille postes d'enseignants lors du quinquennat, quitte à sacrifier ou handicaper tout le reste et tout ce qui pouvait faire progresser l'école d'une autre façon, voilà que M. Macron fait la même chose. Si les Présidents élus se mettent à respecter leurs promesses, où va-ton, bordel !

Parce que je trouve que ça fait désordre. Comment peut-on d'une main clamer son amour immodéré pour l'autonomie des écoles et des établissements, en faire un cheval de bataille, un alpha et un omega, et en même temps nous enfoncer dans la tête une telle épée de Damoclès, bureaucratique et institutionnelle, sans concertation ni sans se poser aucune question?

Parce que l'injonction est totale. Les moyens? On s'en fout! Les locaux? On s'en fout! Les municipalités? On s'en fout! Je peux écrire d'ailleurs exactement la même chose avec le fabuleux retour aux "quatre jours" qu'une masse incommensurable d'écoles va devoir appliquer dès septembre prochain. Il faut avouer que là Peillon - qui fait bien de se promener en péniche et de se faire oublier - avait fait une connerie monumentale, emporté lui aussi par ses certitudes sans concertation et son ostensible mépris pour les gens de terrain et les territoires. 

Comme d'habitude, ce sont les Directrices et Directeurs d'école, corvéables à merci, qui vont devoir trimer. Les fonctionnaires fonctionnent. Et attention! Il n'y aura aucun aménagement, on a dit douze, ce sera douze, démerdez-vous! Je ne doute pas une seconde que les recteurs et dasens aux abois sauront faire preuve de zèle et de diligence...

Est-ce que je suis coupable de trahison, ou de mauvais esprit, si j'écris que tout ça me gonfle profondément, et que j'en ai marre de toutes ces conneries? J'ai assez souvent exprimé que ce sont les agents de terrain qui savent le mieux ce qui convient à leurs élèves, dans leur commune. Mais bernique! Tous ces gens-là, arc-boutés sur leurs certitudes, s'en foutent tant ils croient le savoir mieux que nous.

Et merde à l’État jacobin.

jeudi 8 juin 2017

C'est trop facile, Monsieur le Ministre...

Lorsque M. le Premier Ministre vous a appelé à votre poste, M. Blanquer, le monde de l'éducation n'a pas manqué d'être inquiet. Effectivement, votre travail en tant que DGESCO il y a huit n'a pas vraiment laissé de bons souvenirs à notre communauté, en particulier  à l'école maternelle. Il avait par la suite fallu aux enseignants plusieurs années pour retrouver un peu de sérénité dans leur travail, malgré quelques autres changements pas tous bien venus.

Néanmoins nous nous disions que peut-être, désormais à la tête du ministère, vous auriez le souci de vos personnels, comme vous l'expliquiez dans un entretien avec "SOS Education" : "(...) tout le monde est conscient que toute réforme, même minime, peut épuiser le système tant ce dernier est à bout.(...)".

Vous avez donc fait quelques déclarations lénifiantes, expliquant qu'il n'y aurait pas de "réforme Blanquer", que vous vouliez y aller dans la douceur et la persuasion. Vous avez bien laissé échapper quelques mots désagréables susurrés par l'organisation susnommée, comme "pédagogisme" par exemple, avec le léger dédain qui s'impose. Mais cela pouvait être une maladresse.

Il ne vous aura néanmoins pas fallu plus d'un mois pour montrer votre vrai visage. Passe encore pour le dédoublement des classes de CP qui faisait partie du programme de M. Macron, même si nous avions bien compris qu'évidemment malgré vos dénégations ce seraient les enseignants du dispositif PDMQDC qui trinqueraient. Mais vous cumulez, en ce moment, les déclarations désagréables. Vous lancez des balises comme autant de signaux destinés à voir quelles seront les réactions du milieu enseignant ou des français en général : sur les rythmes scolaires, sur les redoublements, sur les devoirs forcément faits à l'école ou encadrés par des volontaires, sur...

Tout cela bien entendu vous le faites à votre gré, sans consultation des enseignants, sans chercher l'avis de ceux qui sur le terrain travaillent quotidiennement avec les enfants de ce pays. Vous foulez aux pieds avec allégresse des années d'investissement, de travail, d'organisation, des années de recherche. Certes par exemple la réforme des rythmes a été tout autant bâclée, mais justement vous aviez tout loisir de calmer les ardeurs et de suggérer d'emblée des méthodes de travail, au lieu de nous jeter ces changements au visage avec une brutalité étonnante. Car dans votre démarche pour vous agréger les maires de certaines communes françaises, vous oubliez volontairement ceux - notamment les Directeurs d'école organisateurs, gestionnaires, responsables - qui ont appliqué quotidiennement ces rythmes depuis plusieurs années, y ont beaucoup investi en temps et en énergie, même s'ils n'étaient pas forcément d'accord. Ce n'est pas l'idée de laisser les territoires choisir qui m'indispose, c'est la façon abrupte dont vous le faites, et votre choix délibéré d'ignorer les personnels.

Je ne crois pas au hasard. Votre ambition secrète est de démanteler ce ministère qui vous obsède. Vous l'aviez clairement expliqué dans l'entretien avec l'organe douteux que j'ai déjà cité : "(...) Le statut associatif permet déjà, en France, de faire beaucoup de choses. On pourrait accompagner des initiatives dans le futur, dès lors qu’elles sont clairement dans le cadre des objectifs de service public. Sans aller vers des logiques de privatisation, on peut aller vers des logiques de délégation, qui permettent d’accomplir mieux le service public en responsabilisant davantage des acteurs. (...)"  Je ne crois plus à votre volonté de construire, je crois de plus en plus à votre volonté de détruire.

Pire, car il y a pire, c'est aux médias que vous annoncez les choses, ou au hasard d'entretiens improvisés lors de vos déplacements. C'est forcément, évidemment, foncièrement délibéré de votre part. Les médias vous suivent qui n'y comprennent rien tant ils ont hâte de faire leur "une" de vos pseudo-confidences. Les sondages vous suivent aussi, les français sont des ânes en matière d'éducation et n'imaginent leur école que sous la forme qu'elle avait au XIXème siècle, ou qu'elle n'a jamais eue tant ce domaine relève du fantasme. Ce n'est plus du dédain, M. le Ministre, c'est du mépris pour les enseignants, c'est du mépris pour moi et mes presque quarante années d'investissement auprès de mes élèves. Je suis un bon fonctionnaire, M. le Ministre, je fonctionne et je continuerai à fonctionner. Mais ne me demandez ni enthousiasme ni rapidité. Votre expérience pourtant devrait vous avoir fait connaître la puissance de freinage du milieu enseignant. Je crains que n'ayez à y faire rapidement face. Certainement alors vous aurez beau jeu de dénigrer avec force le million de personnels qui travaillent sur le terrain... C'est vrai, M. le Ministre, c'est un jeu trop facile. Mais c'est un jeu que personne ne gagne jamais, et qui se joue au détriment de nos enfants.

Je ne crois pas une seconde, M. le Ministre, que vous soyez aveugle ou bête. Une fois que les élections législatives seront passées, il sera certainement temps de changer votre fusil d'épaule. Mais soyez néanmoins conscient qu'en à peine quatre semaines vous avez fait avec quelques mots, en donnant tant de gages à une vision médiocre de l'école, mille fois plus de mal que vous pouvez l'imaginer. Lever le doute sera désormais difficile.

dimanche 4 juin 2017

Vous allez voir ce que vous allez voir !

J'ai une étrange impression de déjà-vu. M. Blanquer, récent ministre de l’Éducation nationale, nous distille savamment à chaque entretien avec un journaliste une nouvelle annonce qui nous enfonce un peu plus dans l'incertitude. Moi qui n'aspire qu'à travailler dans la sérénité et sur le long terme, c'est râpé! Bien entendu, il ne s'agit pour M. Blanquer que de défaire ce qu'ont fait ses prédécesseurs, sans se poser aucunement la question de l'opportunité de procéder ainsi ni surtout de laisser le temps de faire un bilan quelconque de l'intérêt ou des inconvénients de la chose. Une pareille désinvolture est remarquable, mais elle n'est finalement que logique quand on se rappelle que M. Blanquer fut le bras armé de ministres détestés d'un Président de la République pourtant largement blackboulé. Moi qui exprimais des doutes dans un précédent billet où pourtant je souhaitais la bienvenue à notre nouveau ministre, je suis servi ! Nourriture et boissons, serviette et couverts, tout est compris dans le prix.


"Je ne serai pas le ministre de la réforme !" ... "Il n'y aura pas de Loi Blanquer !" ... Évidemment. Ce n'est plus du détricotage, c'est du démantèlement, à la scie circulaire et torche à plasma. Oh, d'accord, j'ai gueulé contre les rythmes scolaires parce qu'il était quasiment impossible de les aménager, et parce que je les pense totalement inadaptés à l'école maternelle et la petite enfance; j'agrée donc pleinement l'idée qu'il soit possible de les ajuster aux contraintes locales, après de saines discussions entre population, Conseils d'école et municipalités. J'applaudis même. Mais je déteste la façon dont ça se fait, surtout entre deux élections, un peu de la retape électorale quoi. Et puis la manière qu'ont certains élus de se précipiter là-dessus comme des morts-de-faim m'indispose. Certains plats ont parfois du mal à passer, la sauce est trop lourde, et on les mange trop vite.

Toujours est-il qu'en fin d'année scolaire faire des annonces de ce genre ne peut provoquer chez les enseignants qu'une vague de crises de foie. Ne pas savoir comment il va falloir préparer la rentrée, ni si les rythmes scolaires vont éventuellement changer, amène chez le petit Directeur que je suis un malaise certain. Ne parlons même pas de mes parents d'élèves ! Ils me posent quotidiennement des questions là-dessus, auxquelles je réponds qu'un "projet de décret" serait présenté au CSE le 8 juin, mais que pour l'instant il n'y a rien de posé nulle part, et que le pauvre fonctionnaire de base que je suis ne peut qu'attendre un décret et les instructions qui suivront. Fin juin? Juillet? C'est sympa pour réunir un Conseil d'école... Bref, sérénité envolée, doute installé, préoccupation, stress... Merci Monsieur le Ministre.